Une suspension abrupte pour Art neuf

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Par Emmalie Ruest
jeudi 29 juin 2023
Une suspension abrupte pour Art neuf
Le Centre Culturel Calixa-Lavallée, situé dans le Parc Lafontaine, et hébergeait jusqu'à très récemment l'organisme Art neuf. Crédit photo : Emmalie Ruet
Le Centre Culturel Calixa-Lavallée, situé dans le Parc Lafontaine, et hébergeait jusqu'à très récemment l'organisme Art neuf. Crédit photo : Emmalie Ruet
Organisées au cœur du parc Lafontaine, les activités culturelles d’Art neuf se sont subitement interrompues le 12 juin dernier, entraînant l’annulation de spectacles de fin d’année et mettant en péril la programmation de l’année prochaine. Après 37 années d’existence, l’organisme voit son avenir plongé dans l’incertitude, et ce, au grand dam de sa communauté.
Pour nous, ça a été vraiment une surprise.
Michèle Macaigne, membre de la troupe du Théâtre de Neuf Saisons

Le 12 juin dernier, la suspension des activités de l’organisme à but non lucratif Art neuf a surpris sa propre communauté. Les artistes, professionnel·le·s ou non, ainsi que le corps professoral et la population, ont vu leurs espaces de création et de diffusion fermer du jour au lendemain. « Pour nous, ça a été vraiment une surprise » , explique l’adepte de l’organisme depuis une dizaine d’années Michèle Macaigne, qui s’active notamment au sein de la troupe du Théâtre de Neuf Saisons. Cinq spectacles de danse, de théâtre et de musique ont ainsi dû être annulés à la dernière minute, mais aussi les auditions annuelles de la troupe de théâtre amateur Les Exclamateurs. L’incertitude demeure à l’heure actuelle pour les activités artistiques de l’an prochain.

Qu’est-ce qu’Art neuf ?

Art neuf est un organisme à but non lucratif fondé en 1986, dont la mission est de démocratiser la pratique artistique sur tous les plans. Il a la particularité d’occuper le centre culturel Calixa-Lavallée, un espace appartenant à la Ville de Montréal, situé au cœur du parc Lafontaine. Jusqu’à sa fermeture, Art neuf devait gérer l’accueil de ce lieu public tout en assurant sa propre programmation d’activités culturelles, composée de cours d’arts (arts visuels, théâtre, danse, musique) pour enfants et adultes, pendant l’année scolaire. L’organisme proposait également la location de cinq studios, d’une galerie d’art et de la salle de spectacle Paul-Buissonneau. Enfin, il offrait gratuitement aux artistes désirant parfaire leur art un accès à l’espace du gym culturel.

Mobilisation

La nouvelle de la fermeture d’Art neuf a créé une onde de choc au sein de la communauté de l’organisme. Cinq jours après l’annonce, un groupe Facebook, baptisé « Coalition citoyenne pour sauver le centre Calixa-Lavallée et sa vocation » est né, à l’initiative de l’ancienne membre du conseil d’administration (CA) d’Art neuf Nathalie Théocharidès. « En deux jours, j’ai eu 175 personnes, s’étonne-t-elle. Je n’avais jamais fait ce genre d’organisation, mais spontanément, j’ai eu envie de créer ce groupe, juste pour avoir un lieu pour rallier ceux que ça intéressait, pour suivre ce qui allait se passer et pour m’assurer que quoi qu’il arrive à l’organisme Art neuf, les lieux continuent d’avoir la même vocation. »

Peu d’explications

Le mystère continue de planer autour des raisons de cette fermeture. Bien que Mme Théocharidès semble connaître certains des tenants et aboutissants, elle ne se sent pas légitime de les dévoiler. « C’est délicat, confie-t-elle. En tout cas, ils sont en train de demander des conseils juridiques pour ne pas prendre de risque. »

« Pour des raisons hors de notre contrôle, il n’y a plus d’employé.e.s pour opérer Art Neuf en cette fin de saison, expliquant la fermeture soudaine du centre Calixa-Lavallée », a publié Art neuf sur sa page Facebook le 17 juin dernier. Toutefois, plusieurs personnes déploraient déjà depuis le 12 juin la suspension des activités. En outre, l’ancien employé d’Art neuf Luc Bourdon a déclaré sur la page du groupe de la coalition citoyenne que « les employés et professeurs ne seront pas payés pleinement pour le travail accompli ces derniers temps ». Deux autres personnes, anciennement employées au centre culturel, ont par la suite confirmé à Quartier Libre que les membres du corps professoral n’avaient jusqu’ici pas été payés.

L’année prochaine sur la glace

À moins d’un dénouement rapide, le président du conseil d’administration des Exclamateurs, Jean-Pierre Gouin, explique qu’il est contraint de chercher un plan de secours pour les spectacles à venir. « On doit quitter Art neuf pour au moins la prochaine saison », souligne-t-il. De plus, la troupe de théâtre amateur recrute ses comédien·ne·s une fois la salle de spectacle réservée pour les futures représentations, afin de s’assurer que toutes et tous seront disponibles aux dates prévues. Dans la mesure où les délais imposés par la fermeture d’Art neuf sont très courts, trouver une nouvelle salle aux dates qui conviennent aux membres de chaque production se révèle très compliqué.

Les Exclamateurs ne sont pas les seuls à subir la situation. Les membres de l’organisme barre/oblique, de la troupe de théâtre Posthume et de celle du Théâtre de Neuf Saisons ont en effet l’habitude de réserver la salle de spectacle Paul-Buissonneau environ un an à l’avance, et doivent maintenant trouver une autre solution d’ici l’automne prochain pour maintenir leurs représentations. Mme Macaigne témoigne de la difficulté de trouver une salle proposant les mêmes tarifs que celle d’Art neuf, en particulier dans un laps de temps si court. « Pour un de nos spectacles, il y a déjà des billets de vendus, alors on essaie de garder les mêmes dates », précise-t-elle.

L’incertitude autour de la situation d’Art neuf, qui pousse la majorité des troupes à se tourner vers d’autres lieux, entraîne ainsi le risque que la salle de spectacle Paul-Buissonneau ne puisse pas accueillir de représentations avant un certain temps, même si le centre culturel parvenait à rouvrir à l’automne.

Participation citoyenne

Une séance ordinaire du conseil du Plateau-Mont-Royal aura lieu le 4 juillet prochain. Plusieurs membres du groupe Facebook ont manifesté leur désir d’y assister. Les séances de ce type sont en effet ouvertes aux citoyen·ne·s, afin que ces dernier·ère·s puissent poser des questions et déposer des pétitions ou des requêtes. Elles sont diffusées en ligne en direct et archivées.