«Si le boycottage des stages est maintenu, pratiquement aucun service ne pourra être offert à la clientèle, explique la professeure agrégée au Département de psychologie de l’UdeM et responsable de l’option psychologie clinique du doctorat en psychologie, Marie Achille. Les contrats des superviseurs sont régis par une convention, ce n’est pas évident de modifier leur description de tâches. » Ces superviseurs suivent les doctorants durant leur internat, mais n’ont pas le mandat de traiter les patients.
Après leur baccalauréat, les étudiants en psychologie étudient quatre années supplémentaires : trois ans sont consacrés à un stage pour cumuler 700 heures et une année est vouée à un internat de 1 600 heures. Dans le milieu public, ces heures de travail auprès de patients sont bénévoles. Selon les membres de la Fédération interuniversitaire des doctorants en psychologie du Québec (FIDEP), les internes travaillent pourtant à temps plein et fournissent le travail d’un professionnel. « La rémunération de l’internat, c’est aussi une mesure qui encourage les psychologues en début de carrière à continuer de travailler dans le réseau public », estime le vice-président de la FIDEP et doctorant en psychologie à l’Université Laval, Eddy Larouche.
Selon lui, cette solidarité des stagiaires aura pour effet de retarder leur propre cheminement académique, ce qui peut permettre d’éviter une pénurie d’internats. « En reportant les stages, on évite de se retrouver avec beaucoup trop de doctorants à placer en même temps dans le réseau », précise-t-il.
La situation actuelle conduit aussi à des sacrifices personnels et financiers préoccupants, selon la doctorante en psychologie à l’UdeM et responsable des communications et de la mobilisation à la FIDEP, Fannie Carrier Emond. « On travaille tellement fort pour se rendre au doctorat que toute notre vie est retardée pour accéder à cette vocation, explique-t-elle. Puis, on nous dit de travailler un an à temps plein sans être payés. Ce n’est plus tolérable ! »
Le 19 février devait être le match day, jour où les doctorants apprennent à quelle clinique ils seront rattachés pour leur internat. Cette année, tout le processus est bloqué puisque la majorité d’entre eux n’a pas transmis de demande. « Les psychologues du milieu public soutiennent le boycottage, assure Fannie. Normalement, les internes passent des entretiens pour être sélectionnés, mais la plupart des entrevues n’ont pas eu lieu ». Sans les doctorants, les patients devront se tourner vers d’autres cliniques.
De son côté, Eddy pense que si la situation n’est pas réglée d’ici à décembre prochain, les conséquences risquent d’être importantes pour les patients. « Si le boycottage ne dure que quelques semaines, nous pourrons nous adapter plus facilement, par exemple en travaillant plus d’heures chaque semaine pour rattraper le retard », explique-t-il.
Mme Achille demeure pour sa part prudente quant aux mesures à prendre en vue d’un manque d’effectifs dans les cliniques publiques et rappelle qu’il n’y a pas vraiment de moyens mis en place pour se préparer au boycottage. « Jusqu’au mois de septembre, on va procéder comme si les stages allaient reprendre, mais c’est vers la fin de l’été qu’on saura ce qu’on fait », conclut-elle.
Pour leur part, les milieux privés ne sont pas nombreux à respecter les critères des universités pour pouvoir proposer des places aux internes, d’après Fannie. « Mais les rares places non rémunérées qui existent sont concernées par le boycottage », nuance-t-elle. Le Centre de santé et de consultation psychologique de l’UdeM (CSCP) offre de son côté une rémunération de 30 000 $ aux internes sur 20 mois.