UNE PÉDAGOGIE RENVERSANTE

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Par Arnold Gerster
mardi 4 février 2020
UNE PÉDAGOGIE RENVERSANTE
Mohamed Ali Benali était formateur lors de cet atelier. Crédits : Jacob Côté
Mohamed Ali Benali était formateur lors de cet atelier. Crédits : Jacob Côté
Le Centre de pédagogie universitaire (CPU) de l’UdeM a proposé un atelier le vendredi 17 janvier à destination du personnel enseignant, sur la classe inversée. Cette approche, qui modifie le rôle de l’étudiant et de l’enseignant, apporte un changement de dynamique dans la classe.
« L’étudiant devient acteur, et même auteur de son apprentissage. »
Mohamed Ali Benali, formateur au Centre de pédagogie universitaire de l’UdeM

Le formateur lors de cet atelier, Mohamed Ali Benali, cite l’universitaire Philippe Carré pour résumer la philosophie de la classe inversée : « On apprend toujours seul, mais jamais sans les autres. » Selon lui, l’étudiant va créer son apprentissage et l’enseignant va lui donner les matériaux de base. « La classe inversée est une approche pédagogique dans laquelle l’enseignement direct se déplace de la classe à l’espace individuel et privé », définit le formateur.

Dans les faits, l’enseignant produit une ou plusieurs vidéos que les étudiants visionnent en amont du cours. Ils peuvent également répondre à des séries de questions pour tester leurs connaissances et compléter leur apprentissage par des lectures. Selon M. Benali, cette méthode offre l’occasion aux élèves de développer leur autonomie.

Le cours est ensuite dédié à des activités et des discussions. « L’idée est d’avoir un atelier de création et de rétroaction », développe-t-il. Cette dynamique permet des échanges individuels et personnalisés avec le professeur, ce qui crée une plus grande proximité entre les différents acteurs de la classe.

Changement de décor

Cette pédagogie alternative inverse les rôles et le décor. « Le rôle de l’enseignant change, il devient un guide, un coach, il va encadrer les étudiants, souligne le formateur. L’étudiant devient acteur, et même auteur de son apprentissage. » Il met en avant plusieurs bénéfices. « Les étudiants vont tester leurs compétences et vont interagir entre eux, avance-t-il. Avec la classe inversée, le temps est utilisé de manière plus stratégique. »

La classe inversée à l’université

Selon M. Benali, cette approche commence à faire son chemin vers les bancs de l’université.

L’étudiant en droit à l’UdeM Nicolas Douville, qui a suivi un cours en classe inversée à la session d’hiver 2019, note la valeur ajoutée de cette méthode. « Je trouve que la pratique est une bonne façon d’apprendre, témoigne-t-il. En faisant des ateliers en classe, on est amené à poser davantage de questions que lors du cours théorique. »

Les professeurs sont libres d’adopter cette approche. L’enseignante en français langue seconde au Centre de langues de l’UdeM Chantal Giroux, qui a participé à l’atelier, souhaiterait intégrer cette méthode dans sa pratique d’enseignement. Elle désire consacrer moins de temps à la théorie lors de ses cours. « Chacun a un niveau de connaissances différent et a besoin de plus ou moins d’explications, constate-t-elle. À l’avenir, j’aimerais que tout ce qui renvoie à l’aspect théorique soit le moins possible abordé en classe, je voudrais que ce soit assimilé via un support audio-vidéo. »

Une recette à équilibrer

Comme l’indique M. Benali, il n’existe pas de recette figée. « La classe inversée, c’est une solution, mais ce n’est pas une solution miracle », admet-il. Il estime que ce n’est pas un modèle unique, mais qu’il faut en suivre les grandes lignes.

14« Les vidéos doivent durer entre cinq et sept minutes, car au-delà de ce temps, l’engagement de l’étudiant ne serait plus optimal », préconise le formateur. Pourtant, dans le cours en classe inversée de Nicolas, les vidéos duraient l’équivalent d’un cours traditionnel. « Les vidéos pouvaient durer jusqu’à deux heures et demie, mentionne-t-il. C’est sûr que cela prend du temps, mais je trouve que c’est intéressant. » Pour l’étudiant, la charge de travail ne change pas de celle d’un cours traditionnel. « Si tu es assidu, elle est la même », affirme-t-il.

M. Benali pointe du doigt quelques limites à la pratique. « Avec les sujets complexes, cela devient difficile, argumente-t-il. C’est une méthode qui a fait ses preuves, mais les résultats sont nuancés. Elle ne s’applique pas à tout. » Selon lui, les stratégies pédagogiques ne sont pas des recettes magiques. « Ce sont des outils que l’enseignant va devoir adapter à sa discipline », précise-t-il.

Le formateur met en avant une autre limite. « La classe inversée s’applique à des groupes à effectifs limités », ajoute-t-il. « Si on a 300 étudiants, on ne peut pas donner un retour comme pour un groupe de vingt personnes qui travaillent en équipe. »

Le Centre de pédagogie universitaire proposera trois autres formations sur la pédagogie de la classe inversée, destinées au personnel enseignant de l’Université.