Une nouvelle mobilisation contre l’embourgeoisement dans Parc-Extension

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Par Romain Amichaud
mercredi 18 novembre 2020
Une nouvelle mobilisation contre l’embourgeoisement dans Parc-Extension
Photo du projet résidentiel et commercial prévu au 690-700 rue Jarry Ouest, actuellement en période de consultation. Crédit : Arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension
Photo du projet résidentiel et commercial prévu au 690-700 rue Jarry Ouest, actuellement en période de consultation. Crédit : Arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension

Une mobilisation citoyenne a actuellement lieu contre la démolition d’un immeuble de l’arrondissement Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension et la construction de bâtiments résidentiels et commerciaux. Ce projet empêcherait, selon des travailleurs communautaires du quartier, l’apparition de logements sociaux.

Depuis l’ouverture du campus MIL en 2019, l’organisatrice communautaire au Comité d’action de Parc-Extension (CAPE) Amy Darwish a noté une accélération inquiétante de l’embourgeoisement dans le quartier. Le Comité, qui soutient les locataires dans leur droit au logement, se mobilise pour le développement du logement social.

Dans le cadre du projet du bâtiment situé au 690-700, rue Jarry Ouest, 55 unités résidentielles ainsi que 4 espaces commerciaux au rez-de-chaussée seront bâtis.

D’après la chargée de communication de l’arrondissement, Rachel Vanier, le projet résidentiel a été approuvé, ce qui explique qu’une période de consultation ait lieu jusqu’au 20 novembre prochain. « Par la consultation écrite, l’arrondissement et le conseil pourront entendre les différentes opinions au sujet du projet, précise-t-elle. C’est par la suite que l’arrondissement pourra déterminer s’il donne son aval. »

Pression sur les locataires

« Nous n’avons aucune information sur les coûts des loyers, mais tout porte à croire que ça sera beaucoup trop cher pour les locataires de Parc-Extension », estime Mme Darwish. Elle explique que, de manière générale, les loyers dans le quartier connaissent une hausse drastique. « Des 4 1/2 qui étaient à 700 dollars ou 800 dollars ont doublé », ajoute-t-elle.

D’après le CAPE, cette situation exerce une forte pression sur les locataires du quartier, surtout sur les populations immigrantes et à faible revenu. « Beaucoup de propriétaires essayent de profiter de l’ouverture du campus pour expulser les locataires de longue date, pour qu’ils puissent louer plus chers aux étudiants », poursuit Mme Darwish. Elle révèle être témoin de beaucoup de reprises de logements, d’évictions, de pressions sur les locataires, voire de harcèlement. Elle a également remarqué l’apparition de nouveaux projets de condos de luxe, qui commencent à se développer, notamment sur l’avenue Beaumont, et qui contribueraient à augmenter la spéculation immobilière.

L’organisatrice du CAPE affirme avoir vu des annonces pour des condos locatifs dont les 5 1/2 se loueraient 3 000 dollars par mois. Elle craint que ces prix puissent également se répercuter sur la rue Jarry. 

Refus d’un projet pour des logements sociaux

Le site du 690-700, rue Jarry-Ouest a été dans le viseur de la Coopérative du monde en 2013 pour un projet social, mais l’arrondissement a refusé d’accorder une dérogation pour l’ajout d’un quatrième étage, selon le CAPE. Cette dérogation serait maintenant délivrée pour le projet privé, toujours selon le Comité.

« L’arrondissement accordait le même nombre d’étages actuel, en plus d’une construction hors toit, précise Mme Vanier. Le dossier a plutôt été retiré par le groupe de ressources techniques, qui le pilotait en raison de contraintes portant atteinte à la viabilité du projet. »

« C’est une autre occasion manquée pour le quartier, de la part de l’arrondissement », note Mme Darwish. Elle rapporte que la Ville a également raté l’occasion de racheter le site du 495, avenue Beaumont, supposé devenir un projet de 120 unités de logement social. Celui-ci a finalement été racheté par le groupe immobilier Montoni.

Retirer les immeubles du marché privé

« Un moyen important pour lutter contre l’embourgeoisement du quartier, c’est de retirer les immeubles et les terrains du marché privé, pour donner accès à des logements abordables aux habitants du quartier pour les années à venir », croit l’organisatrice communautaire. Le CAPE se bat également pour que la Ville achète le terrain situé au 7965, boulevard de l’Acadie pour un autre projet de logements sociaux et communautaires. Le site est actuellement en vente et la Ville a un droit de préemption*.

Mme Darwish tient à rappeler que d’autres mobilisations dans le quartier se sont révélées efficaces. C’est le cas de celle pour la Plaza Hutchison, après une lutte de trois ans contre un projet d’appartements de luxe. « Tout le monde disait que c’était impossible de gagner, et finalement, la Ville l’a rachetée pour y faire des logements sociaux », conclut-elle. Elle voit dans cette mobilisation une leçon pour ne pas abandonner la lutte pour le 690-700, rue Jarry Ouest.

 

*Le droit de préemption est un droit accordé à des personnes privées ou publiques d’acquérir la priorité sur un bien lorsque le propriétaire manifeste sa volonté de le vendre.