Une démarche de notoriété qui a du « style » ?

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Par Maud Galdini
lundi 8 novembre 2021
Une démarche de notoriété qui a du « style » ?
Bannière de la campagne de notoriété de l’UdeM 2021, telle que présentée sur le site Internet de l’Université.
Bannière de la campagne de notoriété de l’UdeM 2021, telle que présentée sur le site Internet de l’Université.
Le 27 septembre dernier, l’Université de Montréal a lancé une nouvelle campagne de notoriété intitulée « Portés par »*. Son approche est moins traditionnelle qu’à l’accoutumée, mais le message n’est pas toujours bien décodé
« On dirait qu’ils veulent mettre en avant la marque de vêtements de l’Université de Montréal. »
Lou Chatagnat, étudiante en troisième année au baccalauréat en sociologie

De jeunes adultes prennent la pose, regard tourné vers l’objectif, arborant des vêtements à l’effigie de l’Université de Montréal. Des slogans comme « Portés par le monde » ou « Portés par la solidarité » recouvrent ces portraits à l’esthétisme accrocheur. Sur le site Internet de l’UdeM, un appel au rassemblement complète le tout : « Soyez de ceux et celles qui rêvent grand, qui changent les choses et façonnent le monde de demain. »

Que ce soit en page d’accueil du site Internet de l’UdeM, ou dans les abribus et sur le campus, difficile d’ignorer les affiches et images de la nouvelle campagne de l’Université. L’objectif de celle-ci, lancée quelques semaines après le début de la session d’automne, est assumé : mettre de l’avant le « sentiment d’appartenance à une communauté de diplômés enclins à changer le monde », selon les mots de la directrice de l’image de marque de l’UdeM, Hélène Mitchell.

Quel message souhaite transmettre l’UdeM ?

Le projet « Portés par » n’est pas pensé sans un public cible en tête. « Des axes de communication ont préalablement été testés auprès d’étudiants de cégeps et d’écoles secondaires afin de réaliser cette campagne », mentionne Mme Mitchell. Ce sont en effet ces étudiants qui sont dans la ligne de mire de ce déploiement. « Nous avons entrepris cette démarche de notoriété en faisant appel au côté émotionnel des étudiants plus jeunes, poursuit la directrice de l’image de marque de l’Université. L’efficacité du message résidait alors dans le fait de leur montrer qu’étudier à l’Université de Montréal signifie faire partie d’un grand projet. »

À l’évidence, cette nouvelle campagne se distingue de celle lancée en 2017, « L’Université de Montréal et du monde ». Cette dernière, qui se présentait davantage comme un « exercice de positionnement de l’UdeM », braquait alors ses projecteurs sur des diplômés et diplômées notoires de l’UdeM, comme le réalisateur Denys Arcand ou l’entrepreneur social Fabrice Vil. Avec « L’Université de Montréal et du monde », c’était l’étalement des réussites individuelles et du savoir-faire de l’UdeM qui avait été mis de l’avant. « En règle générale, les établissements d’enseignement mettent de l’avant des diplômés, analyse le responsable du certificat en publicité et communication créative et du certificat en créativité et innovation, Sylvain Desrochers, également chargé de cours à la Faculté de l’éducation permanente. L’approche traditionnelle est de montrer que quelqu’un d’important est passé par l’établissement. »

L’équipe de l’image de marque de l’UdeM opérerait ainsi un changement de stratégie de communication. « On va dans une perspective différente [avec cette nouvelle campagne], observe M. Desrochers. On vise un phénomène d’identification, pas de projection [dans l’avenir]. » Le projet « Portés par » mise ainsi sur un sentiment d’appartenance à la communauté udemienne. « Cette campagne-là démocratise l’Université, poursuit le responsable de programme. On montre à l’individu que ce n’est plus quelque chose d’inaccessible. »

Message reçu ?

Affiche de la campagne « Portés par » conçue par l’agence Cossette. Crédit photo : Gaëlle Leroyer

Les affiches promotionnelles surprennent néanmoins plusieurs étudiants et étudiantes du campus. L’étudiante en troisième année au baccalauréat en sociologie Lou Chatagnat est d’avis que cette campagne s’apparente à une publicité pour une compagnie griffée. « On dirait qu’ils veulent mettre en avant la marque de vêtements de l’Université de Montréal », témoigne-t-elle. « J’aurais préféré une photo plus naturelle d’un groupe d’étudiants, ajoute Maxime Bergeron, également en troisième année au baccalauréat en sociologie. Sur l’image du site, c’est comme si tout était calculé. Ça manque de spontanéité. »

L’actuelle campagne de notoriété n’a pourtant pas été pensée pour attirer l’attention sur la ligne de vêtements de l’Université de Montréal, selon Mme Mitchell. « Le but est de faire un clin d’œil, à travers le logo de l’Université dont nous sommes fiers, aux valeurs qui régissent la communauté universitaire, c’est-à-dire la solidarité et le changement », précise-t-elle. Pour M. Desrochers, cette approche communicationnelle est efficace auprès des jeunes pour recruter la future communauté étudiante. « L’image et le message vont ensemble, souligne-t-il. C’est une façon de tisser un lien, de faire une prise de contact avec les futurs étudiants. »

Cette prise de contact est tout de même bien perçue par d’autres membres de la communauté udemienne, comme l’étudiante en troisième année au baccalauréat en sciences de la communication Clara Sauvadet. « C’est une manière de renforcer le sentiment d’appartenance à une communauté, tout en mettant de l’avant une fierté », affirme-t-elle.

Porter… la « marque UdeM » ?

« Portés par », comme toute campagne publicitaire, fait donc rayonner une marque, ici, celle de l’Université de Montréal, selon M. Desrochers. Il estime que d’un point de vue communicationnel et publicitaire, l’accent n’est pas mis sur les vêtements. « On n’incite pas à s’en procurer directement, assure-t-il. La présence du logo n’est pas exagérée. C’est correct, ça confirme un sentiment d’appartenance […]. C’est une occasion pour les jeunes de s’identifier à une marque. »

Le logo de l’UdeM, un symbole très représentatif, reste indissociable du message communiqué, selon M. Desrochers. D’après lui, les bons codes esthétiques et culturels sont utilisés pour s’adresser à de futurs étudiants et étudiantes. « On leur parle dans des termes qui peuvent être significatifs pour eux », précise-t-il. Pour le responsable du certificat en publicité et communication créative, le succès de cette campagne résiderait également dans sa capacité à s’implanter comme référence culturelle. « La personne doit le voir, le revoir… Ça crée, à long terme, quelque chose qui s’inscrit dans l’imaginaire collectif », explique-t-il. M. Desrochers reconnaît néanmoins qu’un individu qui voit cette campagne pour la première fois ne pourra pas décoder le message immédiatement. Maxime Bergeron estime pour sa part que cette campagne publicitaire dégage une forme de « marchandisage » qui n’est pas représentative du sentiment de communauté.

Question de style

Quoi qu’il en soit, si « façonner le monde » de demain inclut la possibilité d’acheter des articles à l’effigie de l’UdeM, le choix parmi ces derniers ne manque pas. Les différentes librairies du campus vendent de nombreux vêtements et accessoires à l’effigie de l’Université, parmi lesquels la nouvelle ligne de vêtements développée par le studio de création indépendant axé sur le design Wedge, entièrement réalisée au Québec par l’entreprise Éthica.

Les librairies abritent aussi des produits fabriqués au Salvador ou au Honduras. Leur prix oscille entre 19,99 $ pour un tee-shirt et 49,99 $ pour un chandail. Les accessoires à l’effigie de l’UdeM sont également nombreux : stylos, agendas, carnets, porte-cartes, gourdes, peluches, contenants thermohermétiques, casquettes, tuques, sacs à dos, tabliers, étuis à crayons… Rien n’échappe à la présence du logo de l’Université.

Entre les perceptions

Affiche de la campagne « Portés par » conçue par l’agence Cossette. Crédit photo : Gaëlle Leroyer

La campagne « Portés par » semble ainsi être une nouvelle déclinaison de l’image que l’Université désire mettre de l’avant dans la société. Pour certaines personnes, le message est précis ; pour d’autres, il demeure confus. « Avec des grosses entreprises comme l’Université de Montréal, il y a de multiples façons de représenter « la marque » », étaye M. Desrochers. D’après lui, le fait que les codes publicitaires ne soient pas tous reçus de la même façon par le grand public est normal.

Pendant au moins une année, « Portés par » sera la principale campagne grand public promue par le Bureau des communications et des relations publiques de l’UdeM. L’Université devra toutefois patienter avant de voir si cette façon de s’adresser au grand public suscite l’intérêt et de décider de renouveler ce type d’approche.

L’UdeM effectue ainsi un pari en jouant sur l’offre et la demande : l’offre, par l’intermédiaire d’une campagne ayant recours à un visuel et une façon d’entrer en contact avec le public d’une manière moins traditionnelle que d’autres ; la demande, en provenance de futurs étudiants et étudiantes qui s’intéressent à l’UdeM. Elle le gagnera seulement si le message porte ses fruits.

*« Portés par » a été conçue par l’agence Cossette et la stratégie a été élaborée par Maryse Sauvé. La vidéo est un produit de Colossale et le remaniement graphique de la plateforme revient à LG2. Le projet a été coordonné par Léa Portugais-Poirier et dirigé par Hélène Mitchell, qui travaillent pour le Bureau des communications et des relations publiques de l’Université de Montréal.

 

En collaboration avec David Fillion.