Une crise économique pour enrichir l’élite ?

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Par Eric Deguire
mercredi 10 novembre 2010
Une crise économique pour enrichir l'élite ?

Le système financier américain est-il conçu pour favoriser une élite minoritaire ? Les guerres que mènent les États-Unis ont-elles pour but principal l’enrichissement de cette même élite ? Voilà le scénario apocalyptique soutenu par un collectif d’auteurs dirigé par Michel Chossudovsky et Andrew Gavin Marshall dans The Economic Global Crisis.

Afin de démontrer les échecs répétés de ce système politique et économique, les auteurs citent les ratés du système financier américain, avec la récession de 2008 en arrière-plan. Dès le deuxième chapitre, Tanya Cariina Hsu présente les échecs qu’a connus l’économie américaine depuis 1907, le tout, en moins de dix pages. Selon elle, chacune des chutes économiques a été causée par des manipulations des hauts placés politiques et financiers afin de transmettre entre eux la richesse.

Elle prend comme point de départ un cas de 1907, où un banquier de New York a créé un faux manque de confiance pour s’accaparer une part de marché à bas prix. Ce même genre de simplification est appliqué aux crises subséquentes ainsi qu’à celle de 2008. Dans ce dernier cas, Mme Hsu affirme que la crise a été orchestrée par les élites pour transférer 700 milliards de dollars du trésor public aux grands banquiers. Toutefois, une grande part de cette somme a été repayée avec intérêts et ce stimulus ne devrait coûter qu’environ 50 milliards aux payeurs de taxes.

Elle ne dit rien de la croissance économique qu’a connue les États-Unis pendant le dernier siècle et de la hausse notable de la qualité de vie ; de l’arrivée de l’automobile, de la télévision, d’Internet ou des progrès remarquables quant à l’accès aux études universitaires ; de l’ascension sociale des présidents Truman, Nixon, Reagan et Clinton, tous issus de la classe moyenne ; tout comme des fondateurs de grandes entreprises telles Ford, Disney, Apple ou Microsoft.

Exporter le modèle américain

Dans la seconde partie du livre, cette même lecture est appliquée à la diplomatie américaine. Chaque cas international qui pose, selon les auteurs, un problème moral est expliqué de façon simpliste par un désir d’enrichissement et de domination de l’élite.

Dans le chapitre, War and the Economic Crisis, Michel Chossudovsky mentionne des exemples de pratiques militaires douteuses de la part de l’armée américaine en Afghanistan et au Pakistan et associe ces dernières avec le désir de domination économique du pays.

L’auteur affirme que la guerre contre le terrorisme que mènent les États-Unis et l’OTAN dans cette région a pour but de permettre à des entreprises occidentales de s’accaparer les réserves pétrolières et gazières pakistanaises. Toutefois, ce pays est 53e au classement mondial en termes de réserves pétrolières et la présence de conflits militaires dans le pays ne facilite pas les échanges économiques. Enfin, l’impact néfaste que la guerre contre le terrorisme a eu sur l’économie américaine montre que cette stratégie militaire avait plutôt des intérêts en termes de sécurité et non en termes économiques.

De plus, Chossudovsky mentionne que les États-Unis laissent augmenter leurs budgets militaires au détriment de leurs dépenses sociales. Cependant, selon le bureau de la gestion et du budget du gouvernement américain, de 1986 à 2006, la part du budget consacrée à la défense est tombée de 28 % à 20 %, tandis que celle consacrée aux programmes sociaux de Medicare et Medicaid est passée de 10 % à 19 %. La sécurité sociale est restée stable à 20 %.

Malgré toutes ces critiques, les pistes de solutions viables se font rares. Les auteurs du livre voient les relations entre États comme un rapport de domination entre forts et faibles, s’apparentant à la théorie néomarxiste en relations internationales. Mais, ils n’arrivent pas à justifier l’existence d’un réel désir de domination chez les États puissants.

Enfin, ce livre a comme grand défaut de ne pas avoir bien cerné un sujet. Les auteurs tentent de tout expliquer ce qui va mal dans le monde selon eux en moins de 400 pages. Ainsi, les explications fournies sont superficielles.

The Global Economic Crisis – The Great Depression of the XXI Century, Collectif dirigé par Michel Chossudovsky et Andrew Galvin Marshall, Global Research, 2010, 391 pages.