Une attente à combler

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Par Thomas Martin
vendredi 1 décembre 2017
Une attente à combler
Des étudiantes en physiothérapie de l'UdeM apprennent à utiliser un compas d'accouplement lors du cours de renforcement mécanique de première année. (Crédit photo : Laura-Maria Martinez)
Des étudiantes en physiothérapie de l'UdeM apprennent à utiliser un compas d'accouplement lors du cours de renforcement mécanique de première année. (Crédit photo : Laura-Maria Martinez)
Plus de trois mois s’écoulent en général avant que les patients québécois puissent enfin recevoir des soins en physiothérapie dans le réseau public de santé*. Cette attente peut aggraver les problèmes de certains. Une situation qui s’avère complexe à gérer pour les physiothérapeutes aguerris comme pour les futurs praticiens.
Depuis la restructuration du système public de santé à l’automne 2014, les physiothérapeutes doivent voir plus de patientes et de patients avec des ressources limitées.
Comité exécutif du SÉRUM Sensibiliser les futurs praticiens

Plus de 18 000 Québécois sont en attente de soins en physiothérapie. Un chiffre tiré d’une étude à laquelle a participé le professeur à l’École de réadaptation de l’UdeM François Desmeules. Une étude réalisée par l’Association québécoise de la physiothérapie (AQP) et déposée en janvier 2016.

« On a fait un sondage auprès de 97 hôpitaux du Québec, en demandant aux responsables des soins de physiothérapie de répondre à nos questions pour voir les solutions aux problématiques d’accès aux services qu’ils proposent, développe le professeur. Au-delà du nombre élevé de personnes en attente de soins, ce qu’on a découvert, c’est que le temps d’attente était souvent important. La majorité des patients devant attendre plus de trois mois. »

M. Desmeules avance que les futurs physiothérapeutes sont déjà grandement sensibilisés à cette problématique. « Ils savent que dans bien des cas les patients ont attendu trop longtemps pour être pris en charge, précise-t-il. C’est sûr que cette situation crée de la frustration. » Le mécontentement des patients est partagé par les physiothérapeutes, d’après lui. Les efforts pour administrer des soins efficaces deviennent, de ce fait, beaucoup plus importants.

Pour éviter de voir la situation de certains patients s’aggraver trop rapidement, le professeur éduque ses étudiants à ces enjeux. « On va leur apprendre à dépister plus rapidement les gens qui ont besoin d’un peu plus d’aide, explique-t-il. On va donner la priorité à ces personnes au détriment de celles qui sont plus autonomes. » Cette méthode est loin d’être optimale, selon lui, mais la charge de travail et les listes d’attente sont trop considérables pour pouvoir offrir le service le mieux adapté.

Le faible nombre de physiothérapeutes au Québec n’apparaît pas comme une cause de la forte demande actuelle, ni comme la preuve d’un manque d’intérêt pour les emplois dans le secteur public, aux dires des membres de la Société des étudiantes et étudiants en réadaptation de l’UdeM (SÉRUM). D’après eux, le problème serait plutôt administratif. « Depuis la restructuration du système public de santé à l’automne 2014, les physiothérapeutes doivent voir plus de patientes et de patients avec des ressources limitées, indique le comité exécutif du SÉRUM par voie de communiqué. De plus, la centralisation du pouvoir au ministère de la Santé limite les interventions internes des établissements. »

Résoudre le problème

La SÉRUM déplore la situation actuelle, qui engendre l’aggravation des pathologies des patients et diminue l’efficacité des traitements. Son comité exécutif propose des pistes de solutions pour tenter d’y remédier. Il propose par exemple une solution que certains établissements utilisent déjà et qui consiste à faire des rencontres préconsultatives pour évaluer brièvement la situation et donner des conseils jusqu’à la prise en charge.

À la suite de l’étude publiée par l’AQP en janvier dernier, des propositions ont été faites, indique François Desmeules. « Ma collègue Kadija Perreault, qui est l’auteure principale de l’étude, a fait des recommandations au Commissaire à la santé et au bien-être, détaille-t-il. On a déposé un mémoire dans lequel on demandait qu’il y ait plus d’accessibilité et qu’on offre plus de soins en physiothérapie, notamment pour les personnes plus vulnérables, d’un niveau socioéconomique plus faible. » Le mandat du commissaire en question ayant été modifié par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, les propositions soumises par l’AQP sont restées lettre morte, selon M. Desmeules.

Du côté du président de l’Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec, Denis Pelletier, il y aurait lieu d’investir davantage en physiothérapie dans le secteur public et cette avenue pourrait être retenue par le gouvernement si des promesses d’économies ultérieures en services de santé étaient clairement démontrées. D’autres solutions pourraient être développées et étudiées d’après lui. « Par exemple, éliminer, s’il y a lieu des interventions cliniquement inutiles pour traiter nos patients et libérer un temps précieux en ressources professionnelles**, revoir l’organisation du travail et la gestion des listes d’attente, ou encore utiliser la téléréadaptation lorsque possible », énumère-t-il.

Selon M. Desmeules, cette problématique ne risque pas d’être réglée prochainement. Il souligne qu’avec le vieillissement de la population et la hausse des problèmes de surpoids, les besoins en physiothérapie ne devraient cesser d’augmenter au cours des prochaines années.

* D’après l’article « Plus de 18 000 Québécois en attente de physiothérapie » paru le 30 octobre 2017 dans Le Devoir, .
 
** Five Things Physical Therapists and Patients Should Question, American Physical Therapy Association.

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