Culture

1984, le célèbre roman de George Orwel, dépeint un monde séparé en trois états totalitaires. ?Crédit Photo : Isabelle Bergeron

Un sombre reflet de la réalité

«Cest l’écrivain anglais Thomas More qui crée le terme utopie en liant les mots grecs eu, signifiant heureux, ou encore ou, signifiant inexistant, avec le mot topos, qui veut dire lieu, explique le professeur de création littéraire à l’UdeM Jean-Simon Desrochers. Le terme utopie désigne donc un lieu heureux, ou alors un lieu inexistant. La dystopie constitue ainsi un mauvais lieu. » Dans leur univers futuriste, les fictions dystopiques livrent une critique sévère de certains aspects de la réalité.

En littérature, la dystopie a été popularisée grâce à plusieurs œuvres phares, dont 1984 de l’écrivain anglais Georges Orwell, publié en 1949. Dans ces récits, la répression est un thème récurrent. « 1984 est un roman dérangeant et percutant, affirmel’étudiante au certificat en journalisme Roxane Chouinard. Je crois que ce type d’œuvre est essentiel pour établir un consensus social et déterminer nos préférences sur l’élaboration de notre société future. »

Les récits dystopiques ne constituent pourtant pas que des représentations du pire. « La fiction de George Orwell offre le sentiment saisissant de comprendre la réalité qui nous entoure, croit l’étudiant à la maîtrise en littérature comparée Gabriel Paquin-Buki. Les images créées par l’auteur dans 1984 ou La ferme des animaux [publié en 1945] ont un pouvoir évocateur, et on peut s’y référer pour comprendre certains principes politiques même actuels. » En illustrant les craintes et les espérances humaines, les romans dystopiques relèvent autant du divertissement que d’une réflexion approfondie sur le sens du monde.

Un pessimisme généralisé

Pour M. Desrochers, si la dystopie n’est pas un phénomène nouveau, le néolibéralisme contemporain pourrait expliquer la recrudescence de popularité du genre. « De nos jours, l’ensemble des activités humaines est soumise aux impératifs de croissance économique, affirme le professeur. Dans ce contexte, le pessimisme à l’origine de la dystopie se fonde sur des éléments simples à observer. »

Selon le professeur, la création de l’arme nucléaire et ses ravages sur les villes d’Hiroshima et de Nagasaki lors des bombardements de 1945, ont fortement marqué l’imaginaire collectif. La science, jusqu’alors synonyme de progrès et d’innovation, devient une réelle source d’inquiétude. « Cette perte de confiance en la science n’est pas étrangère à la montée d’un certain pessimisme », pense-t-il.

D’après Roxane, aujourd’hui, les médias so­ciaux contribuent aussi grandement à ce regain d’intérêt pour les œuvres dystopiques. «L’omniprésence des médias sociaux nous confronte à une police de la pensée qui vise notre image en société, estime-t-elle. Nous sommes continuellement sous le joug du jugement d’un ordre établi. » La critique sociale que l’on retrouve dans la trilogie Hunger Games fait d’ailleurs écho à cette réalité.

La quête de sens et d’espoir

Dans la littérature dystopique, le héros fait face à une série de questionnements éthiques et moraux le menant à plusieurs prises de conscience. « Ce qui fait de 1984 un roman tellement réussi est qu’il présente une fiction assez près de notre réalité pour que tous y voient un possible avenir, mais assez loin pour qu’on puisse se révolter à temps » , pense Gabriel.

« Très souvent, les récits dystopiques proposent diverses séries de découvertes, d’éveils et d’épreuves, selon M. Desrochers. Leur traversée est celle d’un parcours initiatique. On peut y déceler une figure du désenchantement que provoque parfois le passage à l’âge adulte, tout comme on peut y voir une valorisation du sens critique menant à une prise de position anta­goniste à l’égard des structures du pouvoir. » La dystopie présente ainsi une redéfinition du rapport de l’individu au monde, et offre au lecteur le sentiment de posséder le pouvoir de transformer son destin.

Cinq romans québécois dystopiques à découvrir

Demain sera sans rêves

Jean-Simon Desrochers

Herbes Rouges, 2013, 21,95$, 130 p.

Le Silence de la cité

Élisabeth Vonarburg

Alire, 1998, 8,99$, 342 p.

Les voleurs d’espoir

André MaroisLes éditions de la courte échelle, 2001, 10,99$, 152 p.

RESET : Le Voile de lumière

Joël Champetier

Alire, 2011, 8,99$, 324 p.

La Cage de Londres

Jean-Pierre Guillet

Alire, 2011, 6,99$, 260 p.

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