Uncategorized

SARS-CoV-2 vu au microscope électronique. Image : Institut national des allergies et des maladies infectieuses, CC.

Un professeur de l’UdeM participe à une étude internationale pour prédire les prochaines zoonoses

Une nouvelle étude met de l’avant un modèle prédictif basé sur des algorithmes d’intelligence artificielle pour identifier les espèces de chauves-souris susceptibles d’être porteuses d’une zoonose. Le professeur au Département de sciences biologiques de l’UdeM Timothée Poisot a pris part à ce projet de recherche.

Alors que la pandémie de la COVID-19 est toujours en cours, la surveillance des zoonoses, ces maladies transmises des animaux aux humains, devient la priorité de plusieurs équipes de recherche. Mais par où commencer les observations ? Quelles espèces animales dépister et quels endroits étudier ? La recherche doit-elle concentrer ses efforts où des virus ont déjà été détectés, au risque d’ignorer des lieux propices à l’apparition de zoonoses ?

L’adage anglophone « searching under the streetlight » (chercher là où c’est facile) illustre bien ce biais scientifique, selon M. Poisot. Le projet de recherche auquel il participe a précisément pour objectif de mettre en lumière les zones d’ombre dans l’étude des maladies d’origine animale, en prédisant quelles espèces de chauves-souris sont les plus susceptibles d’être porteuses d’une zoonose. De cette façon, les équipes chargées de surveiller l’émergence de nouvelles maladies sauront quelles espèces prioriser dans leurs tests de dépistage, et ce, même si certaines d’entre elles étaient initialement insoupçonnées d’être des hôtes.

D’abord prédire les porteurs potentiels…

Dans l’étude parue le 10 janvier dernier dans les pages du Lancet Microbe à laquelle a participé M. Poisot, huit modèles informatiques basés sur des algorithmes d’intelligence artificielle ont été utilisés. Chacun d’eux estime à sa façon la probabilité qu’une espèce de chauve-souris soit l’hôte d’un betacoronavirus. « Les betacoronavirus forment un groupe de virus auquel appartient le SARS-CoV-2 [NDLR : virus responsable de la COVID-19], mais également le SARS-CoV et le MERS-CoV [tous deux responsables d’épidémies», précise le chercheur. « Ces virus sont zoonotiques, et le fait qu’ils tirent leurs origines évolutives chez les chauves-souris est largement reconnu [NDLR : Traduction libre] », souligne l’étude.

La difficulté du projet, selon M. Poisot, est de synthétiser tous ces modèles en un seul. En agrégeant les prédictions de chacun de ces modèles, il est possible de classer plus de 400 espèces de chauves-souris selon la probabilité qu’elles soient porteuses ou non d’un betacoronavirus. En dernier lieu, l’équipe obtient une cartographie des régions présentant le plus d’espèces préoccupantes sur leur territoire.

La validité des prédictions de l’algorithme a d’ailleurs pu être vérifiée en laboratoire. « Nous avons retrouvé des résultats déjà connus et certaines de nos prédictions ont été validées par des échantillonnages subséquents [NDLR : des tests de dépistage pour déterminer si une chauve-souris est porteuse d’un betacoronavirus] », souligne le professeur.

… puis évaluer le risque

Néanmoins, « ce n’est pas une mesure de risque, avertit M. Poisot. Il ne faut pas sauter trop vite aux conclusions. » En effet, le risque qu’une zoonose émerge dans une région particulière ne dépend pas que de la présence d’espèces préoccupantes. Plusieurs facteurs écologiques, comme les interactions entre les espèces animales et les êtres humains ainsi que leur nombre sont tout aussi importants, selon le chercheur.

Régions où se trouvent des espèces de chauve-souris potentiellement porteuses d’une zoonose. Image : Bercker, D. J. et al. CC.

M. Poisot donne en exemple le cas du Canada, où se trouvent, selon les prédictions, quelques espèces préoccupantes. « Oui, ça prend un hôte [d’un virus], mais ça prend aussi une densité de contacts entre les humains et l’hôte », explique-t-il. Le professeur émet donc des doutes quant à la pertinence d’effectuer des dépistages chez les chauves-souris présentes au pays.

L’une des prochaines étapes du projet de recherche prendra en compte certains facteurs écologiques. L’objectif final est d’identifier les endroits les plus propices à l’émergence de futures zoonoses, afin que les équipes de dépistage puissent orienter leurs expériences d’échantillonnages où les risques sont les plus élevés.

Partager cet article