Un professeur de l’UdeM offre des chirurgies esthétiques gratuites aux victimes de violences familiales

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Par Edouard Ampuy
jeudi 25 mars 2021
Un professeur de l’UdeM offre des chirurgies esthétiques gratuites aux victimes de violences familiales
Cette année de pandémie a marqué l’atteinte d’un triste record chez SOS Violence conjugale, qui a reçu 39 000 demandes d’aide en 2020, contre 33 000 en 2019 et 29 000 en 2018. Crédits: Groupe CNW/Clinique Face MD
Cette année de pandémie a marqué l’atteinte d’un triste record chez SOS Violence conjugale, qui a reçu 39 000 demandes d’aide en 2020, contre 33 000 en 2019 et 29 000 en 2018. Crédits: Groupe CNW/Clinique Face MD

Les personnes qui portent des cicatrices ou des difformités au visage à cause de violences familiales peuvent passer par un programme pour bénéficier de soins chirurgicaux gratuits. Le professeur adjoint de clinique au Département de chirurgie de l’UdeM et chirurgien à la Fondation faciale du Canada, Sami Moubayed, met ses services à contribution afin de soutenir les victimes de violences dans leur reconstruction.

Bien que la Fondation faciale du Canada ait annoncé son programme de Violence familiale le 8 mars dernier, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le docteur Moubayed précise que celui-ci est ouvert à toute victime de violences familiales.

L’objectif est de proposer gratuitement des soins chirurgicaux et de rhinoplastie ultrasonique [voir encadré] aux patients qui souffrent d’une difformité au visage. « Dans ma pratique en chirurgie plastique et en reconstruction faciale, j’ai pas mal de patients qui viennent avec des traumas, des accidents du visage ou du nez, et qui veulent une réparation esthétique pour éviter de se rappeler un moment difficile de leur passé », explique le docteur Moubayed, qui travaille à la Clinique Face MD, où sont offerts les soins.

La chirurgie esthétique n’est pas couverte par la santé publique et, d’après le chirurgien, les frais pour ce type d’opération s’élèvent en moyenne à 10 000 $. La Fondation faciale du Canada lève donc des fonds pour soutenir les victimes et payer ces frais. « Pour l’instant, on lève des fonds principalement auprès de connaissances, d’amis, de la famille ou de patients qui nous connaissent et savent ce qu’on fait, précise le docteur Moubayed. Avec ça, on peut faire des réparations du côté esthétique, surtout au niveau du nez, car c’est l’os le plus fréquemment facturé chez les victimes de violences. »

Une initiative intéressante

Le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale ainsi que l’organisme SOS Violence conjugale voient ce programme comme un moyen pour les victimes de reprendre confiance. « Prendre soin des blessures causées par la violence contribue à une reprise de pouvoir sur sa vie, affirme la responsable des dossiers liés à l’intervention du Regroupement, Louise Lafortune. Retrouver une vie normale, un visage comme avant, ce sont des éléments importants dans la reprise de confiance d’une victime. »

La responsable du soutien clinique et de la formation à SOS Violence conjugale, Claudine Thibaudeau, trouve que le programme est une bonne idée, mais elle rappelle que la violence est un traumatisme difficile à oublier. « La violence conjugale, c’est une guerre intime, et la majorité des personnes qui passeront par ce programme seront en syndrome de stress post-traumatique, assure-t-elle. Donc on ne va pas oublier, mais ça peut réparer certains aspects, alléger certaines conséquences, car pour beaucoup de gens, l’apparence est liée à l’estime de soi. »

Les critères de sélection

Pour bénéficier du programme et accéder aux chirurgies esthétiques, les demandeurs doivent répondre à un certain nombre de critères, établis par la Fondation faciale du Canada. « Il faut que la personne soit sortie de la situation de violences depuis un an ou plus et qu’elle soit allée chercher de l’aide auprès d’un travailleur social, d’un responsable de maisons de femmes ou d’un psychologue à plus d’une reprise, explique le docteur Moubayed. Il faut aussi que la personne démontre un besoin financier. »

Mme Thibaudeau émet quelques réserves quant à la condition d’être sorti d’une situation de violence. Elle mentionne, par exemple, la violence post-séparation et la difficulté que peuvent avoir certaines personnes à couper les ponts avec leur partenaire violent, surtout lorsque des enfants sont impliqués. « La violence conjugale n’est pas simple, et dans plusieurs situations, elle va se poursuivre pendant des années après une rupture, prévient-elle. Ce n’est pas parce que la victime décide de se séparer que la violence cesse. » Elle souligne l’importance de ne pas responsabiliser la victime pour la continuité de la violence.

Le docteur Moubayed précise que les demandeurs ne doivent plus entretenir de liens étroits avec leur agresseur. « C’est-à-dire qu’ils ne doivent plus entretenir de relation amicale ou intime, ou ne pas habiter avec lui ou elle, détaille-t-il. Évidemment, il y a des contacts minimaux à entretenir s’il y a des enfants impliqués, et c’est compréhensible. »

À la lecture des critères de sélection du programme, Mme Lafortune se demande également jusqu’où s’étend la prise en charge financière. « Si une femme doit se déplacer et rester sur place pendant quelques jours après l’opération, ça veut dire qu’il y a un besoin d’hébergement, souligne-t-elle. Est-ce que ça aussi, ce sera offert ? »

Pour les patients qui n’habitent pas à Montréal, la Fondation faciale du Canada affirme que ce besoin sera étudié au cas par cas, en fonction de la situation financière de la fondation. « Si cela est possible financièrement, la réponse est oui », assure le chirurgien.

Aider les victimes

L’objectif du docteur Moubayed est de former un maximum de partenariats avec les organismes de protection des victimes de violences familiales, afin d’identifier les patients dans le besoin.

Pour l’instant, le chirurgien n’a pas de chiffres précis quant au nombre de personnes qu’il souhaite traiter sur l’année 2021. « Autant que la demande, déclare-t-il. Personnellement, je peux subvenir à la demande s’il y a un ou deux patients par semaine. » Si les besoins augmentent, il pense que trouver d’autres chirurgiens prêts à donner de leur temps sera facile. « Quand on rentre en médecine, c’est qu’on veut aider les gens, c’est une relation d’aide, même avec la chirurgie esthétique, poursuit-il. On aide une personne à reprendre confiance en elle. »

Mme Lafortune s’avoue contente de voir que ce genre d’initiative existe, mais elle regrette de constater que les victimes doivent se reposer sur des mesures provenant d’intentions charitables. « L’idéal serait que ce type d’opération existe dans le domaine public, à travers les services offerts par l’État », estime-t-elle.

Cette année de pandémie a marqué l’atteinte d’un triste record chez SOS Violence conjugale, qui a reçu 39 000 demandes d’aide en 2020, contre 33 000 en 2019 et 29 000 en 2018. « Notre nouveau site Web a été lancé il y a trois mois et on a déjà eu plus de 100 000 visites, affirme Mme Thibaudeau. Donc, plus la société va s’impliquer pour aider les victimes, mieux ce sera. »

 

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ENCADRÉ : La rhinoplastie ultrasonique

La rhinoplastie ultrasonique est une technique qui sculpte les os nasaux par ultrasons, sans endommager les tissus mous avoisinants, permettant ainsi d’obtenir des résultats plus précis et une récupération plus rapide. « Avant, pour travailler les os du nez, enlever les bosses ou replacer les os, on utilisait des outils en métal, des râpes et des marteaux pour casser l’os, » explique le docteur Moubayed. D’après lui, la rhinoplastie ultrasonique est plus précise et permet au patient de récupérer plus vite.