Un privilège ancré

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Par Ethel Gutierrez
mercredi 16 octobre 2013
Un privilège ancré
(Illustration: Mélaine Joly)
(Illustration: Mélaine Joly)

L’exonération des frais de scolarité pour les enfants d’employés, de salariés à la retraite ainsi que de personnels décédés fait partie de l’UdeM depuis une trentaine d’années. En cinq ans, cela a coûté 3,3 M$ à l’établissement. Pourtant, toutes les universités n’accordent pas cet avantage. 

Adoptée par l’UdeM en 1976, la politique est renouvelée systématiquement à chaque nouvelle convention collective. Cet avantage offre une exonération complète ou partielle des frais de scolarité de l’enfant d’un employé de l’Université. Par contre, l’étudiant devra défrayer en totalité les coûts des services aux étudiants. Ces services comprennent les frais d’admission, de matériel et d’association entre autres. 

Émilie Bourbonnais, dont le père est vice-doyen à la recherche et à l’innovation scientifique à la Faculté de médecine de l’UdeM, approuve totalement le choix d’inclure l’exonération dans la convention. « Je trouve que c’est un privilège que les employés méritent pleinement, soutient la jeune femme. Mon père travaille de longues heures à l’Université et rentre souvent tard. Il a beaucoup de responsabilités à sa charge. » Pour elle, cet avantage ne garantit pas que les enfants des salariés vont aller à l’université. Dans sa famille de trois enfants, seul son frère y étudie. 

Selon la convention du syndicat des employés de l’UdeM (SEUM), l’exonération complète est accordée lorsque l’employé effectue des semaines régulières de 17 h 30 ou plus et possède cinq ans de service continu auprès de l’Université. Le remboursement est intégral sur les cours faisant partie d’un programme universitaire en vue de l’obtention d’un grade. Les cours à options sont remboursables uniquement à 90 %.    « Il existe une opinion parmi les gens qui pensent que les professeurs ont un bon salaire et qu’ils ne devraient pas avoir droit à ce bénéfice », précise le second vice-président des syndicats des professeurs et professeures de l’UQAM, Pierre Lebuis. 

Comparées à l’UdeM, l’Université Concordia a dépensé 2,8 M$ et l’Université de Sherbrooke 1,3 M$ en exonération durant les cinq dernières années. La somme de cette clause varie selon la taille des établissements scolaires. Par exemple, l’Université Bishop’s a dépensé 235 655 $. Au total, les universités ont déboursé plus de 12,5 M$ en cinq ans. « L’an dernier, 936 étudiants ont bénéficié de ce privilège, déclare le porte-parole de l’Université, Mathieu Filion. Cela représente 840 000 $. » 

Pas l’unanimité

Malgré la présence de cette clause dans huit universités, certains établissements ne sont pas près d’y adhérer. Les opinions divergentes à l’UQAM ont amené l’établissement à se concentrer sur d’autres aspects plus importants et à laisser de côté l’exonération. « Puisque l’Université a décliné plusieurs fois l’exonération, nous avons décidé de discuter et de traiter d’enjeux beaucoup plus essentiels, explique Pierre Lebuis. C’est pourquoi nous abordons la gestion et l’autonomie de nos programmes. Nous primons la démocratie et la liberté universitaire. » 

L’étudiante en littérature à l’UQAM Sarah Proulx-Bahardoust est tout à fait d’accord avec la décision de son université de ne pas inclure l’exonération dans sa convention collective. « Je ne vois pas pourquoi les employés devraient avoir le droit d’exonérer leurs enfants ou conjoints. Je trouve cela injuste pour tous ceux qui doivent travailler fort afin de payer leurs frais de scolarité, affirme-t-elle. Je travaille présentement dans une épicerie et j’aimerais avoir mon épicerie gratuite, mais non ! Je dois payer comme tout le monde et c’est normal. » 

Retour d’impôt

L’étudiant qui bénéficie d’une exonération n’a aucune déduction pour les frais de scolarité, car il ne paie rien. Cependant, il a droit au crédit de scolarité fédéral qui est de 465 $ par mois pour des études à temps plein et de 140 $ pour une scolarité à temps partiel. La comptable Margot Calvo ne considère pas qu’il y ait pénalité.       « Lorsque les frais de scolarité sont gratuits parce que le parent est un employé de l’université, automatiquement l’étudiant n’a pas de déduction pour frais de scolarité, puisqu’il n’a rien payé. » Selon Mme Calvo, les crédits qui ne sont pas utilisés en raison du faible revenu de l’étudiant peuvent être transférés à un parent ou bien être accumulés d’année en année. 

Sur les huit établissements affiliés à la Sur les huit établissements affiliés à la Conférence des recteurs et principaux des universités du Québec (CRÉPUQ), seuls deux, dont l’UdeM, offrent cet avantage à ses employés. Pour l’instant, l’Université ne prévoit pas de se départir de cette clause d’exonération.