Orientant sa thèse sur le phénomène de division sociale, la désormais professeure associée de l’UQAM Marie-Ève Maillé s’est intéressée aux rencontres du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) tenues en 2010 dans la municipalité régionale de comté (MRC) de l’Érable, au Centre-du-Québec. Les citoyens se plaignaient alors d’une pollution sonore et visuelle, d’une baisse de la valeur de leurs propriétés et d’une détérioration du climat social entraînées par les opérations de l’entreprise Éoliennes de l’Érable. Dans le cadre de sa recherche, Marie-Ève a rencontré une centaine de résidents de la MRC.
En 2015, Marie-Ève est contactée par un regroupement citoyen qui intente un recours collectif contre Éoliennes de l’Érable. « Ma thèse a été déposée en preuve, dans le but de me faire témoigner comme expert, explique-t-elle. La compagnie a demandé l’accès à mes données, ce que j’ai refusé : elles sont confidentielles. »
L’article 5.4 sur l’éthique de la recherche avec des êtres humains au Canada prévoit que les institutions scolaires aident leurs chercheurs associés afin de protéger leurs données. «L’UQAM a fini par me soutenir, mais seulement un an plus tard, lorsque la cause a été médiatisée», note Marie-Ève.
Dans l’incapacité de se représenter, et menacée d’outrage au tribunal si elle ne rendait pas publiques ses données, la jeune femme a entre-temps reçu l’aide d’avocats du cabinet montréalais Woods, ce qui lui a permis de contester la demande de l’entreprise. En gagnant sa cause, elle a pu créer un précédent dans la protection des données en recherche scientifique.
Marie-Ève Maillé demeure lucide, réalisant que ces situations sont traitées au cas par cas. «C’est une question d’intérêt public, affirme-t-elle. Si la confidentialité des données en question met en péril la sécurité nationale par exemple, c’est une autre histoire.» Heureuse des conclusions du jugement, Marie-Ève ne sera toutefois tranquille que lorsque le délai pour l’appel sera terminé, ce qui peut aller jusqu’à 30 jours.