Culture

Le coloriage pour adulte est souvent associé à tort à l'art-thérapie. (Photo : Benjamin Parinaud)

Un outil, pas une thérapie

«J’ai recours au coloriage lorsque je fais des crises d’anxiété, confie l’étudiante au certificat en criminologie Charlie Tremblay. On m’a fait cadeau d’un cahier de mandalas à colorier et quand je m’en suis servie pour la première fois pour me sortir d’une crise, contre toute attente, ça a fonctionné ! » D’après les spécialistes, le coloriage peut, entre autres, permettre de garder un esprit vif en travaillant la coordination œil-main, de retomber en enfance et de diminuer son niveau de stress.

Les effets bénéfiques associés au coloriage sont toutefois limités. Charlie ne croit pas que la pratique puisse remplacer le soutien d’un professionnel lorsque celui-ci est requis. « Ça aide beaucoup, mais pas au point de dire que c’est une thérapie qui fonctionne aussi bien que [l’accompagnement] d’un psychologue. »

L’utilisation du coloriage comme outil de détente ne convient d’ailleurs pas à tout le monde. C’est le cas de l’étudiante au certificat en administration des affaires à l’Université Laval Gabriela Gil. « Après mon accident d’auto, il y a bientôt deux ans, le médecin m’a recommandé de me détendre avec des mandalas, raconte-t-elle. Ça me stressait de voir le livre et tout le travail à accomplir. Je préfère méditer ou jouer de la musique. »

Utile, mais insuffisant

Pour le psychologue, art-thérapeute et professeur à l’Université du Québec à Montréal Pierre Plante, les livres de coloriage pour adultes peuvent être comparés à la littérature dite d’autoguérison. Il les perçoit comme des éléments d’informations utiles qui peuvent mener les gens à consulter un professionnel par la suite. « La recherche démontre que l’ingrédient le plus efficace en psychothérapie est la relation entre le client et le professionnel, relate-t-il. Dans l’efficacité de la thérapie, la technique, [que ce soit le coloriage ou autre], y est pour à peine environ 15 %. »

Au delà du coloriage, l’art-thérapie

M. Plante croit que l’association entre le concept d’art-thérapie et le coloriage pour adultes est le fruit d’une certaine ignorance ou désinformation. La psychologue et art-thérapeute Johanne Hamel est plutôt d’avis qu’il s’agit d’une stratégie marketing. « Cela n’a rien d’une thérapie et c’est malheureux que les marchands de livres de coloriage le fassent passer comme telle », déplore-t-elle.

Le professeur Plante explique que contrairement au coloriage, l’art-thérapie va au-delà du geste créatif et implique la présence d’un tiers. « Il y a vous, il y a l’expression créatrice et il y a une tierce personne avec laquelle vous travaillez dans la confidentialité et dans un objectif de changement », précise-t-il. Une personne déprimée qui chercherait la guérison par le coloriage risquerait donc, selon lui, d’être déçue. « L’œuvre est extériorisée quand une personne est là pour en témoigner, affirme-t-il. Si je suis seul avec ce que je fais, c’est comme si c’était resté à l’intérieur de moi. »

Les experts s’accordent sur le fait que le terme « thérapie » est utilisé à outrance pour désigner des pratiques qui procurent un certain apaisement et même une transformation de la souffrance, mais qui n’impliquent pas nécessairement de travail sur soi. L’association entre le coloriage et l’art-thérapie n’en est qu’un exemple. Pierre Plante souligne également l’utilisation excessive des expressions « aromathérapie » et « zoothérapie », entre autres.


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