Culture

Le portrait de la jeune militante Imane Chabane s’érige surtout au travers des témoignages touchants de ses proches, dont les souvenirs entreprennent de réactiver la mémoire de la disparue. Photo : Image tirée du film.

Un film pour la liberté des femmes en Algérie

Le documentaire La promesse d’Imane, de la Québécoise d’origine algérienne Nadia Zouaoui, sorti en 2024, raconte l’histoire d’Imane Chabane, une jeune Algérienne décédée en 2019. Quartier Libre a assisté à la projection du film à la Cinémathèque québécoise le 6 novembre dernier, en présence de la réalisatrice.

Il y a cinq ans, la jeune activiste qui luttait contre les violences faites aux femmes en Algérie Imane Chibane, âgée de 26 ans, était retrouvée sans vie dans son appartement.
Son décès, qui n’avait rien de naturel, avait alors provoqué une immense onde de choc et suscité un vif émoi au sein de la communauté féministe de son pays.

La réalisatrice Nadia Zouaoui était amie avec la jeune femme et lui avait fait la promesse, de son vivant, de raconter son parcours et ses combats. Le film La Promesse d’Imane est ainsi sorti le 1er novembre, après une projection en avant-première en avril dernier lors de la 40e édition du festival international
de cinéma Vues d’Afrique, où il a remporté le prix du meilleur long métrage documentaire dans la catégorie «Regards d’ici».

Une pour toutes, toutes pour une


Le documentaire frappe avant tout par l’évanescence d’Imane, dont l’image reste assez absente, tant les photos et les vidéos partagées sont peu nombreuses. Parmi les rares vestiges de son existence, l’ancien
blogue de la jeune activiste, devenu une fenêtre virtuelle s’ouvrant sur son monde, retient tout particulièrement l’attention. Sorte de testament numérique, il demeure l’archive capitale, qui concentre toute l’essence poétique et politique des textes qu’Imane publiait. Récités et ressuscités par sa cousine en voix hors champ, ces fragments d’âme reprennent vie.

Le portrait de la militante s’érige surtout au travers des témoignages touchants de ses proches, dont les souvenirs ravivent sa mémoire. Face à la caméra, Nayla, Lynda, Nisma, Ludmila et Asma se remémorent ainsi leur amie disparue et relatent son histoire. Alors qu’Imane était autrefois la porte-parole de ses consœurs, sa mémoire est aujourd’hui ressuscitée par toutes ces voix, qui préservent la sienne. Elles perpétuent ainsi son nom, son crédo et son combat. Tandis que les images défilent, la bande-son diffuse une voix féminine enchanteresse d’outre-monde, dont l’imaginaire collectif pourrait penser qu’elle appartient à la jeune femme.


Réaliser un film universel


Avec cet hommage posthume, Mme Zouaoui entend s’adresser à tous les publics en faisant « un film universel », a-t-elle expliqué lors d’une rencontre avec les spectateur·rice·s le 6 novembre dernier à la Cinémathèque québécoise. En préservant la mémoire de son amie, elle remédie non seulement à l’effacement de l’histoire personnelle de cette dernière, mais aussi à celle de toutes les victimes disparues et oubliées.

En effet, le film narre également successivement d’autres tragédies survenues dans le passé, comme celle de la jeune Razika Cherif, écrasée en pleine rue par un automobiliste mécontent qu’elle l’ait éconduit, en 2015. Le documentaire recueille aussi la parole de femmes qui dénoncent et déplorent les injustices causées par le patriarcat.

Toutefois, si La Promesse d’Imane revendique avec légitimité une certaine visée politique, cette dernière semble prévaloir sur le reste, gommant une identité visuelle filmique, qui, parce qu’elle demeure plutôt timide, peine à s’imposer en dépit d’une photographie soignée. Discrètement, en toile de fond, le documentaire esquisse tout de même un subtil tableau de la société, qui abrite ces crimes restés impunis, entrecoupant les diverses entrevues et archives de quelques plans d’ensemble picturaux fort contemplatifs des villes d’Alger et de Béjaïa. Ce choix artistique met ainsi en contraste la beauté des paysages avec l’horreur qui se dégage des témoignages.


Un message de résilience et de résistance

Lever le voile sur le carcan subi par les femmes derrière les murs et dans les rues, dénoncer, informer et sensibiliser sont les objectifs du film. Le mode cinématographique devient alors un allié, vecteur d’un geste fort de révolte et sous-tend une invitation à s’engager, à faire front contre ces infamies.

En honorant une promesse davantage politique, le film élude quelque peu une esthétique poétique de l’image. Il parvient néanmoins à diffuser avec efficacité un puissant message de résilience et de résistance. La promesse faite à Imane demeure tenue: si elle n’est pas celle d’un avenir radieux, elle entretient une lueur d’espoir, celle d’une liberté absolue des femmes en Algérie et partout dans le monde.

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