Un étudiant de l’UdeM récompensé au Festival international du film d’archéologie de Nyon

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Par Anaïs Amoros
lundi 17 mai 2021
Un étudiant de l’UdeM récompensé au Festival international du film d’archéologie de Nyon
L’étudiant à la maîtrise en anthropologie Pier-Louis Dagenais-Savard a reçu le prix du meilleur film à petit budget (3 000 $) à la 12e édition du Festival international du film d’archéologie de Nyon, en Suisse, en mars dernier, pour son documentaire Trous de mémoire. Celui-ci met en lumière la nécessité d’impliquer les Premières Nations à cette science. Quartier Libre s’est entretenu avec le réalisateur du film. Crédit photo : Louis-Vincent Laperrière-Désorcy
L’étudiant à la maîtrise en anthropologie Pier-Louis Dagenais-Savard a reçu le prix du meilleur film à petit budget (3 000 $) à la 12e édition du Festival international du film d’archéologie de Nyon, en Suisse, en mars dernier, pour son documentaire Trous de mémoire. Celui-ci met en lumière la nécessité d’impliquer les Premières Nations à cette science. Quartier Libre s’est entretenu avec le réalisateur du film. Crédit photo : Louis-Vincent Laperrière-Désorcy
L’étudiant à la maîtrise en anthropologie Pier-Louis Dagenais Savard a reçu le prix du meilleur film à petit budget (3 000 $) à la 12e édition du Festival international du film d’archéologie de Nyon, en Suisse, en mars dernier, pour son documentaire Trous de mémoire. Celui-ci met en lumière la nécessité d’impliquer les Premières Nations à cette science. Quartier Libre s’est entretenu avec le réalisateur du film.

Quartier Libre (Q. L.) : Qu’est-ce qui t’a motivé à faire ce documentaire ?

Pier-Louis Dagenais Savard (P.-L. D. S.) : C’était une demande du directeur des fouilles, Christian Gates St-Pierre, qui est devenu mon directeur de maîtrise. Il voulait documenter l’école de fouilles de l’UdeM. Finalement, c’est devenu quelque chose d’un peu plus personnel et ça m’a permis de réfléchir à ma situation en tant que Huron-Wendat. Christian m’a donné carte blanche. Et au moment du montage, après avoir filmé l’école de fouilles au cours de laquelle j’ai mené des réflexions, j’ai proposé une tournure plus personnelle, qui fait référence à mes origines autochtones. J’ai ensuite construit le documentaire autour de ma narration. 

Q. L. : Tu mentionnes avoir ressenti des malaises pendant le documentaire. Qu’est-ce qui a fait naître de telles émotions ?

P.-L. D. S. : Il y a plein de raisons, mais il y a aussi plein de belles choses dont on peut jaser (rires). Il y a encore beaucoup d’archéologues qui ne sont pas d’origine autochtone, qui font des fouilles sur des sites autochtones et n’ont pas le réflexe de travailler sur l’implication des communautés autochtones dans les fouilles archéologiques les concernant. C’est quelque chose que je ressens aussi à l’extérieur de l’école des fouilles, mais c’est essentiel de l’enseigner à ceux qui y participent, parce qu’ils vont devoir dealer avec ces questions-là quand ils vont devenir archéologues. Sur un territoire donné, il n’y a pas qu’une seule nation qui était présente, ça complexifie encore plus les fouilles à mener. Lesquelles impliquer ? Les nations sont-elles intéressées à participer aux fouilles ? Ça implique une destruction de l’environnement et certaines nations ne veulent rien savoir sur le sujet, ce qui est compréhensible.

Q. L.: Existe-t-il une consultation avec les Premières Nations pour entreprendre des fouilles archéologiques ?

P.-L. D. S. : Oui, elle existe, et pour cette école-là justement, M. Gates St -Pierre fait les démarches pour les contacter. Il essaie d’impliquer tout le monde. Ça fonctionne souvent, et parfois, ça fonctionne moins, mais l’une de ses priorités est de les consulter. Il sait qu’impliquer les personnes autochtones sur les sites archéologiques représente l’avenir de l’archéologie. En tout cas, c’est mon opinion. Au-delà des consultations, je pense qu’on devrait leur demander ce qu’elles en pensent, ce qu’elles veulent retirer de ces fouilles, la manière dont celles-ci peuvent être faites et pas seulement au niveau des archéologues, parce que la majorité du travail archéologique au Canada n’est pas de l’archéologie universitaire, mais de l’archéologie de sauvetage. C’est-à-dire que ce sont de grosses compagnies, comme des promoteurs immobiliers ou des compagnies pétrolières, qui veulent construire quelque chose sur un territoire : des maisons, un pont ou une autoroute. Elles doivent passer à travers des fouilles archéologiques, mais elles ne sont pas très sensibles à la question, bien que ça dépende des compagnies, certaines l’étant plus que d’autres. Il faut aussi les sensibiliser, parce que si tu fais mal ta job la première fois, tu ne peux plus y revenir, tout est détruit par la construction que tu fais par-dessus.

Q. L.: À la fin du documentaire, tu soulignes ta responsabilité de déterrer le passé. Est-ce que tu ressens un devoir de mémoire ?

P.-L. D. S. : Je finis aussi le documentaire en disant « force-toi ». Je le dis aux autres, mais je le dis surtout à moi-même. Je ressens une énorme responsabilité à faire ça. À partir du moment où j’ai compris la portée que des fouilles archéologiques peut avoir pour les nations autochtones et pour les revendications territoriales, le surplus de culture que ça peut apporter ici, je me dis que des Hurons-Wendat étaient peut-être là, qu’ils ont peut-être fait ces poteries sur lesquelles on voit encore des traces de doigts. Ce sont des gens qui ont travaillé ça. La moindre des choses, c’est que ces communautés autochtones soient impliquées dans ces fouilles. J’ai le goût de redonner à ma communauté, car elle m’a permis d’accéder aux études supérieures, elle m’a donné une culture à défendre, donc quand je suis sur un site archéologique et que je vois cette culture-là, j’ai le goût de la faire valoir et de la ramener aux personnes concernées, de trouver les nations à qui les trouvailles appartiennent, même si c’est difficile. Ça permet de créer des collaborations parfois entre nations, et c’est mon plus grand souhait. Il arrive qu’il y ait des compétitions entre nations lorsqu’un site est découvert et ça va à contre-courant de ce qui pourrait arriver. Ce serait tellement bien que toutes s’impliquent pour que les sites découverts aillent bien, qu’on puisse tirer le plus d’informations possible et faire des études sur le sujet. C’est un message que je lance à ma communauté et à toutes les autres.

Q. L. : Exporter ces enjeux de fouilles et de Premières Nations à l’international, est-ce important pour toi ?

P.-L. D. S : Non seulement on a capoté quand on a été récompensé à l’extérieur du Québec, mais en plus, avoir une portée jusqu’à Nyon et une reconnaissance à l’international me donne l’impression que ça porte encore plus le message ici même. Le film a été fait en 2018, et depuis qu’il a gagné ce prix, on en parle bien plus, même au Québec, et c’est l’effet que je veux avoir sur les fouilles archéologiques proches de moi et proches des communautés autochtones que je connais. Il y a un maudit beau retour de son exportation à l’international et ça a été encore plus fort ici.