L’étudiant à l’UdeM en en enseignement au secondaire Sorel Incari a fondé sa propre maison d’édition, les Éditions Téquières. Après avoir essuyé refus et arnaques, il publie enfin son premier roman, Pieds et poings liés. Portrait d’un étudiant éditeur.
Avant d’ouvrir sa maison d’édition, Sorel a envoyé son manuscrit à de nombreux éditeurs. Après plusieurs réponses négatives, un éditeur accepte de le publier. À peine le travail de correction et de réécriture entamé, il envoie très rapidement au jeune auteur le livre fini en même temps que les frais des multiples copies déjà imprimées. « Le contrat d’édition n’en parlait pas du tout », affirme Sorel.
À la suite d’un arrangement à l’amiable, l’étudiant a recouvert les droits sur son œuvre et a décidé de mettre la main à la pâte. « C’est cela qui m’a conforté dans l’idée de faire les choses à ma façon, précise-t-il. On n’est jamais mieux servi que par soi-même. »
S’investir à fond
Fonder sa propre maison d’édition requiert une importante somme d’argent. L’étudiant a utilisé ses économies et a invité sa famille à investir dans son projet. « Il faut faire de nombreux sacrifices, rappelle Robert Soulières, qui a fondé Soulières Éditeur en 1996. J’ai dû vendre ma voiture, ma maison, piger dans mes REER [Régime enregistré d’épargne retraite] pour ramasser un total de 140 000 $. »
Parfois, les épargnes personnelles ne suffisent pas. Le professeur du cours Littérature et Édition à l’UdeM, Patrick Poirier, déplore le manque d’investissement de la part de l’État. « Les jeunes maisons d’édition n’ont accès à des subventions qu’avec un certain nombre de publications », remarque-t-il.
Après l’investissement initial, les deux éditeurs affirment que l’argent n’est plus vraiment un problème. Ce qui est plus ardu est de trouver les nombreux contacts nécessaires. « Ce sont tous ces gens auxquels on ne pense pas tout de suite : imprimeurs, correcteurs, illustrateurs, graphistes, sans oublier les auteurs », souligne M. Soulières. Son entreprise n’ayant que deux employés, lui inclus, il fait exclusivement appel à des pigistes. Pour les besoins de son livre, Sorel a dû apprendre plus d’un métier en même temps. « C’est moi qui ai cherché le mannequin, fait la couverture du livre, la mise en page, relate-t-il. J’ai dû me mettre à la place d’un graphiste et jouer au photographe. Bref, j’ai fait le roman complètement seul. »
M. Poirier considère également la distribution comme un grand défi. « À moins d’avoir des contacts, c’est difficile, dit-il. C’est un risque de s’engager auprès d’une maison d’édition naissante. » En attendant, Sorel vend son roman via le site internet Amazon. « Pour moi, ce roman est comme un ballon d’essai, mais j’ai l’intention de m’associer éventuellement avec de petits libraires, confie M. Incari. Un libraire est le canal approprié pour distribuer un texte, parce que le livre est sa passion et qu’il peut aisément conseiller le lecteur. »
Quant à M. Soulières, il confirme les dires de l’étudiant, mais distribue aussi dans les grandes librairies telles que Renaud-Bray et Archambault. « Ce qui est bien, c’est qu’elles contiennent aussi de la musique et attirent des gens qui ne venaient pas nécessairement pour des livres. »
Distribuer en numérique est maintenant indispensable. Sorel a l’intention de numériser son roman, mais il préférait l’édition papier pour commencer. « Je voulais me familiariser avec le support traditionnel d’abord », confie-t-il. M. Soulières est lui-même en faveur du support papier, puisqu’il craint le piratage. « De nos jours, les gens ont accès à tellement de choses gratuitement qu’ils ne veulent plus payer, remarque-t-il. Ils se disent que sans l’impression papier, ça devrait coûter moins cher. » Soulières Éditeur publie 3Sa maison 2 livres sous forme numérique, mais ils ne représentent que 2 à 3 % de ses ventes.
Pieds et poings liés
Le roman de Sorel Incari a pour personnage principal Dila, une africaine dont le mari habite en Amérique. Afin de pouvoir le rejoindre, des agents d’immigration font passer des tests génétiques à sa fille, pour découvrir que celle-ci n’est finalement pas l’enfant de son mari. Dila voit alors l’occasion de replonger dans son enfance.