Un dimanche à la télévision

icone Culture
Par Pascaline David
mercredi 26 janvier 2011
Un dimanche à la télévision

Quatre journalistes de Quartier Libre ont accompli une mission historique : regarder, un dimanche, une chaîne de télévision de leur choix pendant 12 heures.
Impressions sur fond d’information.

CBC par Vincent Allaire

Du hockey et des chevaux

Midi. Un reportage d’une demi-heure sur quatre chevaux policiers de Terre-Neuve. L’émission intitulée Land and Sea a comme mandat de raconter les succès et les échecs des personnes habitant les Maritimes. Le moment fort, c’est quand un policier montre le tatouage sur son biceps : c’est la tête de son cheval… Ça commence mal lajournée.

14 h. Trois heures pour un match de la Ligue américaine de hockey. C’est la ligue dans laquelle les clubs-écoles des équipes de la LNH évoluent. C’est donc en théorie l’occasion de voir les futurs joueurs de la LNH jouer. Concrètement, ça donne que les Marlies de Toronto affrontent le Heat d’Abbotsford en Colombie-Britannique. Le niveau est comparable à du jeu de quatrième trio du Canadien. Du coeur, mais pas de signe visible de talent. Je m’endors à la
deuxième période et les Marlies gagnent en fusillade.

17 h. Je m’amuse à regarder Enchanted qui a reçu trois nominations aux Oscars pour ses chansons en 2007. C’est que, tous les dimanches, un film de Disney est présenté. C’est une belle idée. Ça change les idées et rend acceptable le fait de chanter seul dans sa cuisine.

19 h. La télésérie phare de CBC s’intitule Heartland. L’histoire met en scène quatre jeunes adultes en Alberta. Il y a donc des histoires de chevaux, de cowboys, d’amour et de batailles à la fermeture des bars. Sans farce. La facture est traditionnelle, tout comme les intrigues. Ne vous précipitez pas pour télécharger les trois premières saisons en torrent.

20 h. Minisérie sur la vie de Don Cherry, le coloré commentateur de l’émission Hockey Night in Canada. Il déteste profondément le Canadien de Montréal, après avoir perdu deux années consécutives contre eux en finale de la coupe Stanley en tant qu’entraîneur. Homme de conviction, il aime frapper furieusement sur les tables et jeter des racks
de bâtons de hockey sur le sol. Il doit aimer Heartland et le hockey de Ligue américaine.

Conclusion: à regarder si vous aimez le hockey et les chevaux.


Musique Plus par Justin D.Freeman

Cheap et insipide

« Divertissante et innovatrice, MusiquePlus se veut la référence musicale des jeunes adultes québécois. Avec une programmation de primeurs, de directs et d’événements uniques, l’audace télévisuelle et musicale s’y rencontrent. » Pas le dimanche en tout cas : au programme de mes 12 heures devant MusiquePlus : beaucoup de téléréalités américaines, quelques émissions exclusives, un peu de musique et – oh surprise – une téléréalité scandinave.

Commençons par ce qui fâche : la programmation contient une majorité de programmes de real TV. Pour la plupart produits par MTV, ils occupent 50 % du temps d’antenne : entre 10 h et 22 h, ce ne sont pas moins de 6 h de Next !, Danse ou crève !, Room Raiders, Séduction 101 et autres Room Raiders ! Seule émission vaguement novatrice : Les Dudesons. Non pas en raison d’un contenu tout en finesse (il s’agit plus ou moins de Jackass), mais plutôt grâce à
son origine: les quatre larrons sont finlandais. Au programme, pinçages de tétons ou de narines et autres grandes claques dans le dos. Côté musique, la programmation reste assez limitée.

Deux heures sont réservées en début de journée au Décompte MusiquePlus pour du hit de type « en veux-tu en voilà» avec le top 20 de la semaine. Aussi, quelques capsules (intitulées 3-4) sont distillées à doses homéopathiques, présentant des formations locales passées par les studios de la rue Sainte-Catherine. Chéli Sauvé-Castonguay est agréable à regarder alors ça passe, et puis au moins c’est du fait maison! Enfin, quelques programmes originaux – alternant entre correct et pas terrible – sont proposés. Pour ce qui est du moins bon, Le monde de Christo présente
l’univers d’un présentateur pas très drôle et Clip Dub ressort des cartons des vieilles vidéos virales vues et revues mille fois.

Seules véritables satisfactions de lajournée: Cliptoman, dans laquelle la vulgarité de Mike Ward n’a d’égale que l’impertinence de ses chroniqueurs, et Débat critique animée par Réjean Laplanche. Cette dernière émission oppose des experts sur des questions d’actualité musicale. À l’honneur cette fois: l’avenir du CD. On y apprend notamment que
les ventes de disques ont baissé de 14 % au Québec en 2010 pour atteindre 9 millions d’albums vendus (3,7 millions de moins qu’en 2005). Sans être particulièrement frais, le propos du débat est juste et c’est un véritable plaisir que de suivre quelque chose de moins abrutissant. On regrette juste le format : 20 minutes d’antenne, c’est bien trop court pour l’unique émission de contenu.

Télé-Québec par Catherine Gaulin

La grande oubliée

Assise dans mon canapé, je revis les matinées de mon enfance. Les émissions pour jeunes défilent: Bob le bricoleur, Joue avec Jess et Les Popilous. Après avoir essayé de chercher un sens à ces programmes, j’abandonne. Le dessin animé Eliot Kid attire mon attention. Les personnages ont la particularité d’avoir la tête de la grosseur d’un pamplemousse. Mignon. De plus, la traduction française me fait bien rire : «J’ai pas touché à la moquette!» Aucun doute : Télé-Québec cible plutôt la famille.

À l’opposé de la matinée, l’après-midi commence en puissance. La portion d’émissions pour adultes est riche et engagée. Une pilule, une petite granule nous présente des couples homosexuels qui ont choisi l’adoption. S’en suit Huis Clos, qui débat du projet de loi C-4, qui vise à rendre les jeunes de 14 ans responsables de leurs actes criminels. Ce sont les citoyens qui débattent la question. J’adore. Deux émissions bien construites, tant au niveau du contenu que de l’esthétique.

À 17h, Curieux Bégin. Verre à la main, le bouc émissaire de Marc Labrèche (3 600 secondes d’extase) déguste un Château Grinou. À ses côtés : le sommelier François Chartier. Tout au long de l’introduction, l’animateur défile les jeux de mots avec « curieux ». Assez ordinaire. Sur un ton aussi barbant, Soyons bêtes ! et Génial ! déroulent dans la programmation. En fait, Génial ! se veut être le traditionnel jeu-questionnaire que possède toutes les stations. Bref, durant l’heure du souper, je vous conseille de changer de poste.

En soirée, la série documentaire Pour l’Histoire nous arrive avec un sujet bien brodé sur les Égyptiens et la mer Rouge.
Idéal pour les assoiffés de culture. De magnifiques paysages au rendez-vous ! Je finis ma journée en beauté devant le film français Mes stars et moi. Le film de 2007 est une découverte pour moi. Après une matinée à végéter devant des dessins animés et un après-midi à m’instruire sur le monde, c’est bien mérité !

Radio-Canada par Charlotte Biron

Voici l’agneau de Dieu

Pour votre plaisir, et votre plaisir seulement, je me suis levée, dimanche 10h00, pour débuter ma journée radio-canadienne, débutant par la messe de la paroisse Notre-Dame-de-l’Acadie. Pour tout vous dire, les miettes de toast tombant sur mon pyjama ont généré les moments les plus stimulants du jour du seigneur, diffusé depuis 1953. Mon intérêt a augmenté au début des coulisses du pouvoir, mais est vite retombé. Pendant l’analyse de la précampagne potentielle au fédéral, ce sont les publicités du nouveau Virginie (30 vies) qui ont retenu mon attention. « Quand ça brasse à maison, c’est dans nos classes qu’on voit les effets », a lancé 12 000 fois Marina Orsini. Pendant une autre pause publicitaire, un homme m’a dit (à moi, téléspectatrice) que caresser mon chat prévenait la dépression – la mienne et celle du chat. Je note. Côte à côte, les couches Depend pour adultes et Marine Le Pen qui succède à papa au sein du Front National en France. Regarder Radio-Canada le dimanche, ça permet de se coucher moins niaiseux. Dans la mêlée, j’ai pris plus de plaisir à découvrir un éventail de données insolites (la culture des pleurotes, la naissance de
quadruplés chez des vaches québécoises ou la création d’une caméra qui pourrait «voir» la matière sombre) qu’à regarder des émissions de cuisine (Kampaï !) ou des émissions d’affaires publiques. À force de regarder Mitsou, les humoristes du Grand Rire en soirée (oublié leurs noms), Patrice L’Écuyer (stressé pendant le Gala Excellence La Presse/Radio-Canada), Charles Tisseyre (simplifiant les conséquences de la sclérose en plaques grâce à sa voix cosmique et familière), on finit par se passionner pour des détails : la gaine de myéline (enveloppe de tissu graisseux blanc qui recouvre les neurones du système nerveux périphérique), la coiffure de Marina Orsini, l’épidémiologie, la force de gravité et la force d’inertie qui permettent au chat de laper avec élégance (selon un professeur du Massachusetts Institute of Technology). Fait troublant, j’ai hâte à dimanche prochain (la messe est diffusée de la paroisse Notre-Dame-de-la-Paix).