Un débat polarisé

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Par Étienne Tremblay
mercredi 29 novembre 2017
Un débat polarisé
(Photo: Archives Quartier Libre)
(Photo: Archives Quartier Libre)
Alors que le débat entourant le projet de réforme de la Charte de l’UdeM se transporte à l’Assemblée nationale, l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU) demande au gouvernement de retirer le projet de loi.

Pour le président du syndicat général des professeurs de l’UdeM (SPGUM), Jean Portugais, il s’agit d’un appui important dans son opposition au projet de réforme de la charte. Il dénonce un processus de modification qui, à ses yeux, a été complètement opaque. « C’est seulement maintenant qu’on peut voir le véritable texte soumis au Parlement, révèle-t-il. Même au-delà des délibérations ultimes en Assemblée universitaire [AU], le texte a été changé, sans doute par des échanges entre les juristes de l’État et la direction de l’UdeM. »

La Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) a également fait une sortie publique contre le projet de réforme de la charte. Son président, Jean-Marie Lafortune, affirme craindre une perte de la collégialité de l’Université en raison de la place importante accordée à des membres externes, issus du milieu des affaires et qui en détermineraient les orientations. « C’est une contribution à son entrée dans une ère de commercialisation », confie-t-il.

L’ACPPU partage les mêmes inquiétudes. La directrice des communications de l’association, Valérie Dufour, parle d’un cheval de Troie annonçant une entreprisation d’autres universités au pays. « C’est symbolique et surtout symptomatique, s’insurge-t-elle. Si ça arrive à Montréal, ça pourrait arriver à d’autres grandes universités. » Les professeurs craignent une perte de pouvoir avec la nouvelle charte. « On ne pense pas que des gens de l’extérieur devraient être à même de prendre des décisions académiques dans une grande université, précise-t-elle. On pense que c’est contre l’intérêt public. »

Une guerre de chiffres

Alors que l’ACPPU et la FQPPU parlent d’une réduction des membres internes dans les instances de décision, les calculs de la FAÉCUM montrent plutôt une augmentation. Pour le secrétaire général de la FAÉCUM, Simon Forest, la nouvelle charte n’amènerait donc pas moins, mais davantage de collégialité.

M. Lafortune argue pourtant le contraire. « Les membres de la communauté universitaire n’atteignent jamais le seuil des 50 % + 1, dit-il. Ce qui veut dire que, peu importe les mathématiques qu’on fait, ce seront toujours les membres externes qui vont décider. »

La porte-parole de l’UdeM, Geneviève O’Meara, rappelle que la collégialité de l’établissement n’englobe pas seulement les professeurs, mais aussi d’autres groupes. « La proposition que l’Université fait avec sa nouvelle charte est d’inclure d’autres groupes internes à l’Université. » Le projet de loi assure un siège de plus pour un représentant étudiant ainsi qu’une place obligatoire pour un chargé de cours et un membre d’une autre catégorie du personnel.

La discipline au centre des débats

Les associations professorales croient que le recteur Guy Breton utilise l’enjeu de la discipline professorale comme prétexte pour aller de l’avant avec la nouvelle charte. « Ça ne veut pas dire qu’il faut interdire toute modification, nuance M. Lafortune, mais il nous semble que la direction de l’UdeM s’en est servie pour rapporter l’ensemble des pouvoirs au conseil d’administration. »

Le projet de charte place un représentant étudiant sur le comité de discipline et renvoie une partie de la responsabilité de celui-ci auprès du Conseil de l’Université (CU). « Un comité de discipline à l’AU va encore exister, mais ce comité va s’intéresser aux questions académiques, explique Mme O’Meara. Mais ce comité perdra tout ce qui touche aux cas de harcèlement, aux problèmes de relations de travail. »

La modifications de la discipline professorale est également un enjeu important pour la FAÉCUM. Pour illustrer le système actuel, Simon prend l’exemple d’un geste à caractère sexuel. « Si une étudiante porte plainte contre son directeur de recherche, celui-ci va comparaître devant ses pairs, donc devant deux professeurs ainsi qu’un membre du CU, explique-t-il. Aucun membre de la communauté étudiante ne pourra y assister pour s’assurer que le processus est équitable et respecte les règles en vigueur. » Ce ne serait plus le cas après la réforme, puisqu’une présence étudiante serait assurée.

M. Portugais ne croit pas que la charte passera l’épreuve des tribunaux. Un précédent judiciaire semble se ranger du côté des professeurs. « Un jugement* de la Cour supérieure du Québec de 2015 donnait raison aux prétentions des profs concernant la composition du comité de discipline », explique M. Portugais. Il a espoir que le grief déposé récemment invalidera le projet de charte puisque celle-ci contournerait les conventions collectives.

*Cause Jaccoud contre Roy, 22 avril 2015, Cour supérieure.

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