Volume 26

Dominique Lynch Gauthier a cofondé Blanc de Gris avec son amie du secondaire, Lysiane Roy Maheu, il y a un peu plus de quatre ans. Crédit photos : Benjamin Parinaud.

UN CHAMPIGNON DANS LE CAFÉ

Quartier Libre : Comment faites-vous pousser vos champignons ?

Dominique Lynch Gauthier : Les pleurotes poussent dans des trous que l’on a percés dans des seaux alimentaires. On les remplit de différents substrats : le marc de café, les drêches de brasserie, des granules de bois et de la paille. Avec cette technique, on produit près de 200 kg de pleurotes par semaine et on fournit quelques restaurants, épiceries et traiteurs de la ville. Il en existe une autre avec des sacs en plastique, mais on aurait dû les jeter après usage ; on ne voulait vraiment pas faire ça.

Q.L. Où trouvez-vous les résidus organiques qui vous servent de substrats ?

D. L. G. : On les récupère dans des entreprises situées dans un rayon de 10 km autour de Blanc de Gris. Elles sont contentes que ça serve plutôt que ça finisse dans les poubelles. Ça leur permet d’économiser sur la collecte des déchets. On leur rend service, et ça nous rend service !

Q.L. : L’utilisation de résidus organiques a-t-elle une influence sur le goût des pleurotes ?

D.L.G. : Les substrats organiques contribuent à produire des champignons de bien meilleure qualité. Les pleurotes sont plus charnus, ont un goût plus prononcé et plus de corps. Les substrats que l’on utilise leur donnent une meilleure tenue, alors que souvent, les pleurotes sont fragiles et se décomposent à la cuisson.

Q. L. : Serait-il possible de faire la même chose chez soi, avec ses propres résidus de café ?

D.L.G. : Dans l’absolu, oui, mais une maison n’offre généralement pas les conditions nécessaires à la production de pleurotes. Autant dire que tu n’as pas envie d’avoir entre 85 % et 95 % d’humidité chez toi. Moi, j’ai fait mes premiers essais dans ma cave. J’avais construit une petite tente quasi hermétique en plastique avec un humidificateur et un extracteur d’air. C’était rudimentaire comme installation, mais ça fonctionnait quand même bien. Il faut aussi une ventilation pour garder l’air frais, une certaine température et de la lumière pour que les champignons poussent bien.

Q. L. : D’où vient ton intérêt pour la production de champignons ?

D. L. G. : C’est dans le cadre de mon diplôme d’études supérieures spécialisées à l’UdeM que tout a commencé. J’étais en cours avec ceux qui ont fondé P.A.U.S.E (Production agricole urbaine soutenable et écologique) sur le campus et je les ai aidés à lancer le projet de développement durable. Il y avait un volet de culture de champignons et c’est comme cela que j’ai été initiée. Ensuite, j’ai commencé à en produire chez moi, j’aimais vraiment ça !

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  Dominique Lynch Gauthier a cofondé Blanc de Gris avec son amie du secondaire, Lysiane Roy Maheu, il y a un peu plus de quatre ans.

Q.L. : Et comment cela a-t-il abouti à la création de l’entreprise Blanc de Gris ?

D. L. G. : Après l’obtention de mon diplôme, je me cherchais un peu. J’ai commencé à travailler au Regroupement des éco-quartiers, mais je n’étais pas à ma place derrière un bureau. Je voulais travailler de mes mains. Parallèlement, ma production personnelle de champignons commençait à porter ses fruits, j’en produisais même davantage que de plantes potagères. J’ai entendu parler d’une entreprise qui utilisait du marc de café comme substrat pour en faire pousser en ville, et je me suis dit que c’était ce que je voulais faire à Montréal. J’ai parlé de cette idée d’économie circulaire à Lysiane [cofondatrice de Blanc de Gris] avec qui j’étudiais à l’école secondaire, et elle était très intéressée. C’est comme ça qu’on a fondé l’entreprise en 2014.

Q. L. : Vois-tu l’agriculture urbaine comme une forme de mobilisation environnementale ?

D.L.G. : C’est bel et bien une façon d’être engagée, et c’est d’ailleurs pour cela que j’ai voulu le faire. J’avais avant tout besoin d’un travail qui a du sens. Ce n’est pas parfait, on produit quand même des déchets, mais c’est une contribution pour réfléchir différemment au système alimentaire et le rendre plus durable.

Q. L. : Penses-tu que l’agriculture urbaine devrait être davantage développée ?

D.L.G. : Je pense que c’est important, oui. Il y a davantage de bouches à nourrir en ville, et l’agriculture urbaine est une bonne façon de réduire l’impact environnemental du transport des aliments depuis les zones rurales. De plus, certaines denrées périssables comme les pleurotes sont fragiles et s’abîment pendant le voyage. Elles gagneraient à être produites directement en ville. Par contre, je ne crois pas que l’agriculture urbaine devrait être développée en substitution à l’agriculture rurale. Ce sont deux choses qui devraient être complémentaires. Se mettre à cultiver des céréales ou à développer des productions laitières à Montréal, ça n’aurait pas vraiment de sens, ces productions demandent trop d’espace.

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