Société

C’est l’enseignant en journalisme à l’UdeM, Marc Laurendeau, qui a recommandé Natalya Chernenko à l’émission spéciale de 24/60. (Crédit: Juliette Diallo)

Ukrainienne dans les médias

Quartier Libre (Q. L.) : Si l’on prend le cas de l’émission 24/60, comment t’es-tu préparée en amont ?

Nataliya Chernenko (N. C.) : Pour me préparer, je n’ai rien fait. Plutôt, il fallait que je contrôle mes émotions. Vois-tu, une Ukrainienne n’a pas besoin de suivre toutes les nouvelles et d’effectuer des recherches, parce que ce sont les nouvelles qui te cherchent.

Mes amis ukrainiens, qu’ils soient en Europe, en Australie ou en Amérique du Nord, ont des proches qui partagent ce qu’ils vivent au pays. J’ouvre Facebook et je vois tout de suite ce qu’il se passe, parce que les gens partagent leur routine.

J’ai envie de dire, chaque Ukrainien vit chaque attaque d’une manière ou d’une autre. C’est quelque chose qui fait mal à ton cœur.

Il y a beaucoup de choses graves qui se passent dans les nouvelles, on finit par s’adapter. Et quand on s’adapte, on oublie ! Mais il reste toujours des gens sur le terrain, qui souffrent. Malheureusement, même ces gens s’habituent à la guerre.

QL. : Pourquoi dois-tu contrôler tes émotions ?

N.C. : Il y a des points que je ne peux pas débattre, parce qu’ils me font exploser, sincèrement. Si quelqu’un me dit que l’Ukraine a toujours fait partie de la Russie… C’est l’un des quelques points sur lesquels je dois me retenir quand je passe en entrevue.

J’ai un fort sentiment patriotique. L’Ukraine a toujours revendiqué son existence vis-à-vis de la Russie et de l’Union soviétique.

QL. : Comment as-tu réagi après que les parlementaires ont applaudi sans le savoir un ancien soldat nazi ukrainien en septembre dernier ?

N.C. : Ce n’est que ma propre opinion, je ne parle pas au nom de tous les membres de ma communauté. Pendant la Seconde Guerre mondiale, un segment de l’Ukraine tenait catégoriquement à ne pas faire partie de l’Union soviétique. Le parti nazi de l’Allemagne avait fait la promesse qu’il les sauverait de l’Union soviétique.

Il n’était pas tant question d’être contre les Juifs, ou en faveur du nazisme — l’idée d’une race et d’une nation pures. L’idée était avant tout de protéger l’Ukraine. En Ukraine, on a réglé cette question. Plus ou moins.

On considère ces soldats comme des héros ukrainiens aussi, car ils ont combattu pour l’Ukraine d’abord et avant tout. La Russie joue sur ce doute, parce qu’après tout, ces mêmes soldats ont aussi combattu dans l’armée de l’Allemagne nazie. Le Canada ne connaît pas toutes ces questions, ou les conditions de ce doute, à savoir pour qui et contre qui les gens ont combattu réellement.

Oui, [Yaroslav Hunka] était membre d’une division de l’armée nazie. Quand on regarde l’Histoire, il y a toujours un doute. Il y a toujours le regard du présent qui juge le passé, mais les gens de l’époque jugeaient les choses différemment. Peut-être que cette personne était contre les Juifs aussi ! Je ne sais pas, personnellement.

QL. : Qu’est-ce que ce scandale risque de changer ?

N.C. : Je ne sais pas. Il pourrait encore être utilisé dans la joute politique entre conservateurs et libéraux.

Je ne pense pas, en revanche, que cela va changer l’image du Canada. On sait que c’est un pays qui aide beaucoup l’Ukraine et continue d’accueillir des réfugiés. Si je ne me trompe pas, c’est ici qu’on a la deuxième plus grande diaspora ukrainienne au monde.

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