Transpiration en commun

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Par Sebastien.Bouthillier
mercredi 29 septembre 2010
Transpiration en commun
Sébastien Bouthillier
Sébastien Bouthillier

La Société de transport de Montréal (STM) a rejeté, avec des arguments spécieux, la proposition de climatiser le métro faite par Projet Montréal. Pourtant, elle s’apprête à présenter un appel d’offres international pour remplacer les rames actuelles. Et l’Agence métropolitaine de transport vient d’ouvrir un bureau de projet pour le prolongement des lignes bleue, orange et jaune. On est donc prêts à ajouter des rames neuves et de nouvelles stations, mais les usagers transpireront toujours autant. Hiver comme été, on sue de tous pores – et comme des porcs – dans les souterrains de la STM.

Les métros de Barcelone, New York, Moscou, New Delhi et quatre lignes de celui de Paris, eux, sont climatisés. Celui de Londres est en voie de l’être. Pourquoi en irait-il autrement à Montréal? La STM refuse d’installer des systèmes de climatisation sur les rames de métro sous prétexte que la chaleur dégagée par ceux-ci réchaufferait davantage les stations. En effet, la profondeur des stations dans le sol empêche l’air chaud de s’échapper, sans compter la friction des wagons et celle des freins qui émettent de la chaleur.

Il est anormal que les usagers du métro suintent comme des marathoniens tout simplement parce qu’ils se trouvent dans un wagon ou sur les quais. Pourquoi devrait-on endurer que la sueur perle sur notre visage et dégouline le long de notre corps dans le métro, durant les mois d’été en particulier ? Monsieur et madame Tout-le- Monde méritent mieux durant leur trajet en métro qu’une liquéfaction à l’aller comme au retour. C’est le cas de le dire, le coût de la passe mensuelle se monnaye en liquide…

Première semaine de septembre par exemple. Des conseillers municipaux de Projet Montréal ont mesuré que la température de quelques stations s’apparentait à celle d’un jour de canicule. Le mercure de leur thermomètre a grimpé jusqu’à 35 °C. [NDLR : le parti municipal a aussi réalisé une parodie à ce sujet diffusée sur YouTube, « Il fait chaud dans le métro»] Bientôt début octobre et la situation demeure similaire même si le temps est plus frais dehors. Dans le métro, un chandail à manches longues ou une mince veste suffit à provoquer un ruissellement de sueur le long du dos et de l’abdomen. N’évoquons même pas l’anorak en plumes d’oies qu’on porte en janvier…

Le transporteur public reconnaît que le métro a des allures de fournaise, mais détourne le sujet dans sa réponse à Projet Montréal. Le président de la STM, Michel Labrecque, affirme que la climatisation ajouterait 50 millions de dollars à la facture des nouveaux wagons. Il se retient toutefois d’indiquer que le contrat total se chiffre à trois milliards de dollars ; la climatisation représenterait donc 1,66 % du coût total d’acquisition. Il ajoute aussi que 75 millions de dollars supplémentaires seraient à prévoir pour l’exploitation et l’entretien des climatiseurs. Or, ce montant s’étalerait sur la durée de vie des nouvelles rames, environ 40 ans. Selon Michel Labrecque, les nouveaux wagons auront un profil plus aérodynamique que ceux actuellement en service. La friction sera ainsi diminuée et l’air deviendra plus clément. Mais il ne garantit pas que les passagers cesseront de suffoquer.

Transport 2000 Québec, un groupe qui fait la promotion du transport en commun, affirme pour sa part que la climatisation contribuerait au réchauffement climatique à cause de l’énergie consommée. Une bonne nouvelle toutefois, les autobus montréalais seront climatisés d’ici 2025. Dès l’été prochain, une douzaine le seront dans le cadre d’un projet-pilote sur trois circuits.

Enfin, ce n’est pas parce que la fréquence des passages s’accroît qu’il devient acceptable de suer dans le métro. La STM mise cependant sur ce point pour banaliser la sudation troglodytique… Mais les minutes gagnées en rapidité sont vite gaspillées en douches, changements de vêtements ou moments passés à se désaltérer aussitôt parvenu à la surface. Il s’agit de transport en commun, pas d’un entraînement au gym ! Loin d’être un luxe, la climatisation du métro contribue au confort que promeut la STM pour attirer de nouveaux clients. Ceux-là ont raison d’exiger mieux que de crever de chaleur en toutes saisons. Pour fidéliser sa clientèle, la STM prêtera-t-elle une oreille attentive aux tenants de la climatisation plutôt que de rejeter leur proposition ? On peine à croire qu’avant de présider la STM, Michel Labrecque a dirigé Vélo Québec et a publié un livre pour promouvoir le transport en commun, intitulé Le Cocktail transport. Pourtant, le président de la STM voudrait décourager les gens de prendre le métro qu’il ne s’y prendrait pas mieux.