Tout droit de Pékin

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Par Alice Mariette
vendredi 31 octobre 2014
Tout droit de Pékin
Le 16 octobre dernier, les juges chinois ont été reçus à l’Hôtel de Ville par la juge en chef Morton Minc de la Cour municipale de Montréal.
Crédit photo : Courtoisie Ville de Montréal
Le 16 octobre dernier, les juges chinois ont été reçus à l’Hôtel de Ville par la juge en chef Morton Minc de la Cour municipale de Montréal.
Crédit photo : Courtoisie Ville de Montréal
Une cohorte de juges chinois est initiée par l’UdeM aux principes du droit canadien pendant le mois d’octobre. Cette formation, organisée pour la première fois, est donnée en collaboration avec l’Institut canadien d’administration de la justice et fait suite à un accord entre la Faculté de droit de l’UdeM et le Collège national des juges de la Cour suprême de Chine.
« L’entente a commencé en 1998, moment où la Chine commençait à s’ouvrir à l’international. »
Jacques Frémont, Professeur émérite à la Faculté de droit de l’UdeM

«Les participants viennent tous d’une province différente de la Chine, et les échanges lors des cours sont très enrichissants pour tous », commente l’adjointe au doyen de la Faculté de droit, Kim Francoeur. Pendant trois semaines, professeurs, chargés de cours, avocats et juges canadiens offrent au groupe, venu directement de l’empire du Milieu, leur expertise en termes de règles pénales. « Les membres de la cohorte ont tous une grande expérience du droit chinois, ils sont venus à Montréal pour s’ouvrir à un autre système juridique », précise la secrétaire de la Faculté de droit, Marie-Claude Rigaud.

L’étudiant en droit d’origine chinoise Lei Cao participe à ce projet en tant qu’interprète. « Cette formation est courte et très intensive, elle donne ainsi aux juges chinois des connaissances fondamentales et cruciales sur le système juridique canadien », souligne-t-il.

Au programme : une initiation au droit civil, constitutionnel, administratif et pénal ainsi qu’un enseignement du bijuridisme canadien. « Le groupe va aussi visiter des tribunaux civils et administratifs pendant le séjour », complète Kim Francoeur.

Pour Marie-Claude Rigaud, cet accord bénéficie aux deux pays. « Cette collaboration est très enrichissante en termes de culture juridique et nous apprenons beaucoup de cette relation », pense-t-elle.

Lei Cao abonde dans le même sens . « Les juges chinois et canadiens ainsi que les professeurs de l’UdeM pourraient changer leurs idées par rapport au droit de leur pays », dit-il.

Relation de longue date

La Faculté de droit de l’UdeM est partenaire avec la Chine depuis plus de 15 ans. Le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) et professeur émérite de l’UdeM, Jacques Frémont, est un membre initiateur de cette collaboration.« L’entente a commencé en 1998, moment où la Chine commençait à s’ouvrir à l’international, explique-t-il. Le projet initial était une formation de 15 mois pour une cohorte de juges chinois. »

Cette initiative, proposée par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), était supervisée par la Cour populaire suprême de Chine et avait l’UdeM comme partenaire principal. Selon Jacques Frémont, à cette époque, il s’agissait d’une avancée importante pour l’empire du Milieu, dont le système juridique était en pleine mutation. « La Chine avait choisi le Canada et une relation de confiance s’est installée, précise le président de la CDPDJ. À ce moment-là, l’intérêt n’était pas économique, l’ambition était plutôt d’accompagner la Chine dans son éveil. »

Un pays en évolution

En 1998, la Chine s’ouvrait pour la première fois à un autre système judiciaire que le sien, il s’agissait donc d’une avancée importante. « L’approche anglo-saxonne que nous avons au Québec est basée sur un système dit “contradictoire” au contraire de celui qui est dit “inquisitoire” en Chine, souligne Jacques Frémont. Ici, la poursuite et la défense sont sur le même pied et cherchent à se contredire l’un l’autre. Ce système est souvent reconnu comme plus équitable pour les droits de la défense. »

Pendant plusieurs années, Jacques Frémont s’est rendu régulièrement en Chine pour y dispenser des cours de droit, et a constaté une évolution.« Il est certain que le système pénal chinois a beaucoup évolué en 15 ans, commente-t-il. Il n’y a pas beaucoup de pays dans le monde où les gens dans la rue disent que leur espace de liberté s’est accru au cours des années. »

Par ailleurs, les règles de droits internationaux ont été modifiées en 2001 avec l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce. De plus, les droits de l’homme du pays ont été reconnus par la Constitution en 2004. « Toutefois, il est difficile de faire un lien de cause à effet entre la formation des juges chinois à l’Université de Montréal et les évolutions du droit dans le pays », soutient Marie-Claude Rigaud.

Malheureusement, Quartier Libre n’a pas pu obtenir l’autorisation de la part du Collège national des juges de la Cour suprême de Chine d’effectuer des entrevues avec les participants. Pour ce faire, Quartier Libre aurait dû livrer en avance le contenu exact des questions et de l’article pour qu’il soit approuvé. Cette pratique va toutefois à l’encontre des pratiques déontologiques du journal.