Du haut de son sommet en coupole, la tour Roger-Gaudry a l’allure d’une sentinelle silencieuse protégeant son vaste territoire sur le versant nord du Mont-Royal. Chacun a sa propre idée concernant la fonction de celle-ci. « J’imagine qu’il y a des bureaux… mais ça serait bien de mettre un restaurant en haut », pense l’étudiante au baccalauréat en études internationales Eva Mareschal. D’autres légendes circulent sur le campus : l’une d’entre elles raconte que le recteur de l’UdeM est établi dans les hauteurs de la tour. Selon une autre croyance, la coupole devait servir à abriter un observatoire, mais aucun document officiel ne mentionne cette éventualité.
« Accéder à la tour est rarement autorisé », explique le porte-parole de l’UdeM, Mathieu Filion. Celle-ci est fermée à la communauté étudiante, surtout pour des raisons de sécurité, et n’est ouverte que pour l’entretien de celle-ci. Pour y accéder, Quartier Libre a obtenu une autorisation exceptionnelle et a suivi un employé de la Régie des bâtiments, l’un des seuls à pouvoir actionner l’ascenseur officiel menant au dernier étage. Celui-ci se situe avant la coupole en bois située au sommet.
Visite guidée
Au 21e étage se trouve une immense salle dont les fenêtres colossales permettent l’observation du Mont-Royal sous un nouveau jour. La pièce actuellement vide ferait sans doute un splendide bureau pour quelque personnage illustre. Pour atteindre la coupole, il faut arpenter un véritable dédale de couloirs et d’escaliers métalliques. À l’intérieur, l’unique baie, minuscule, offre une vue exceptionnelle sur la ville et ses environs. « Moi, j’en ferais une salle d’études », suggère l’étudiante au baccalauréat en médecine Laurence Duchesne.
La tour sert principalement à garder les nombreuses archives de l’Université. Au 20e étage, on observe une série de classeurs renfermant ces documents. Pour accéder au toit-terrasse, il faut descendre au dixième étage. Les anecdotes concernant le couple de rapaces établi en ces lieux prennent tout leur sens à cet endroit. Même sans observer directement les célèbres faucons, Spirit et Arthurin, il est possible de noter les traces de leur vie ménagère.
Œuvre d’art
Le pavillon et la tour Roger-Gaudry, nommés ainsi en l’honneur du premier recteur laïc de l’établissement, sont le fruit de l’architecte montréalais Ernest Cormier dont l’œuvre comprend aussi la conception de l’édifice de la Cour suprême du Canada, « À l’origine, l’architecte a pensé cette tour pour avoir une pleine vue sur les Laurentides, mais aussi pour marquer l’importance de l’UdeM », explique l’historienne Hélène-Andrée Bizier*. Selon elle, avec cet emblème, l’UdeM souhaitait faire concurrence à l’Université McGill, très influente à l’époque. La hauteur de la tour serait un symbole inspirant pour les étudiants, visant à montrer que l’enseignement supérieur n’est pas inaccessible.
Le professeur émérite de la Faculté de l’aménagement de l’UdeM Jean-Claude Marsan est un défenseur reconnu du patrimoine architectural urbain. « Ernest Cormier s’inscrit dans une [certaine] tradition, explique-t-il. Si vous regardez le pavillon [Roger-Gaudry] et le couvent, c’est exactement la même chose, avec un élément central qui marque les esprits [dans les deux cas]. » Effectivement, la chapelle de l’Invention-de-la-Sainte-Croix, située au centre-ville, occupe une position analogue à celle de la tour.
L’architecture de la tour est de style Art déco, comme de nombreux pavillons du campus de la montagne, selon M. Marsan. La construction avait été amorcée en 1928, mais la morosité économique n’a permis son achèvement qu’en 1943.
* Auteure de L’Université de Montréal : la quête du savoir, 1993, E?ditions Libre Expression.