La rue s’enflamme. Les Égyptiens microbloguent sur Twitter et s’informent sur Facebook. Pour mettre fin au mouvement de contestation galopant, Hosni Moubarak fonce vers son bureau et appuie sur un énorme bouton rouge. Bzzz, pfff! Internet s’interrompt. Une dramatisation? Bien sûr. Voyons voir comment le dictateur déchu a réussi à éjecter l’Égypte du village global.
C’est une première pour une interruption de cette ampleur. Afin de mettre fin aux contestations contre le pouvoir, l’ex-président d’Égypte Hosni Moubarak a décidé de priver l’Égypte de réseaux de communications durant cinq jours, du 28 janvier au 2 février.
Le processus pour provoquer l’arrêt d’urgence est plutôt simple : le gouvernement égyptien de Hosni Moubarak a simplement ordonné aux fournisseurs d’accès à Internet de fermer toutes les connexions internationales. Les quatre principaux fournisseurs, Link Egypt, Vodafone/Raya, Telecom Egypt et Etisalat Misr, ont exécuté l’ordre de cette missive dès le 28 janvier. L’opérateur Noor, quant à lui, n’a été fermé que le 31 janvier. L’explication: c’est que cet opérateur fournissait entre autres l’Internet à la bourse du Caire et à certains ministères.
Selon Pierre Trudel, directeur du Centre d’Étude sur les médias et titulaire de la chaire L. R Wilson sur le droit des technologies de l’information et du commerce électronique, cette coupure d’Internet doit être perçue comme un avertissement mondial. «Cela montre qu’il est faux de dire qu’Internet ne peut être régulé. Au contraire, Internet est fortement réglementé. Ça montre aussi l’importance de s’intéresser de près aux droits fondamentaux en ce qui concerne Internet. Certains règlements touchant Internet sont parfois déguisés en questions techniques. De plus, afin de justifier la censure, les gouvernements invoquent l’argument de la sécurité, du piratage, des comportements abusifs sur Internet. Ce discours n’est pas bien différent de celui que l’on peut entendre au Canada : tout est une question de degrés », affirme Pierre Trudel.
Bloquer Internet a été une opération aisée, car les entreprises qui exploitent les réseaux de câbles dépendent de licences qui leur sont fournies par l’autorité de régulation des télécommunications égyptiennes. C’est donc par quelques coups de téléphone que l’affaire a été réglée. Selon une estimation de l’Organisation de coopération et de développement économiques publiée le 3 février, l’interruption d’Internet durant cinq jours devrait coûter un minimum de 90 millions de dollars aux autorités.
Si Moubarak n’avait pas de gros bouton rouge, c’est peut-être avec un téléphone de la même couleur qu’il a contacté les entreprises qui ont participé au black-out égyptien.