Quartier Libre : Pourquoi jouer dans un stationnement souterrain?
Geneviève L. Blais: La pièce est un plongeon dans les profondeurs de l’être humain. De là est venue l’idée de jouer sous terre. J’avais envie d’un lieu lié au danger, car Judith se rend dans le camp ennemi au risque de sa vie. Le stationnement est un lieu sombre, étrange. De plus, Judith est une tragédie vieille de 500 ans av. J.-C. et revisitée par un auteur contemporain, Howard Barker. Je voulais donc une rencontre entre le passé et le présent. Le stationnement convenait, car ses colonnes symbolisent le passé, tout en étant en béton, un matériau actuel, ce qui crée un contraste temporel intéressant.
Q.L. : Quelles sont les contraintes lorsque l’on crée une pièce dans un tel lieu?
G.L.B. : Pour monter ce projet, il a fallu deux ans et demi. En ce qui concerne le financement, nous avons pu y arriver en étant soutenus par toutes les instances, au provincial, au fédéral et au municipal. Le stationnement souterrain du marché Jean-Talon était tout indiqué, car l’architecture convenait et que son emplacement était a c c e s s i b l e . I l a a l o r s f a l l u s’adapter aux contraintes du lieu, c omme l ’ a c o u s t i q u e , p a r exemple, ou au fait qu’il faille monter et démonter le décor tous les soirs. J’insiste cependant sur le fait que le stationnement est chauffé.
Q.L. : Pourquoi, avec votre compagnie Théâtre à corps perdus, créez-vous toujours des spectacles autour de thèmes graves ?
G.L.B. : Le théâtre que je fais résulte d’une envie de soulever des aspects qui me troublent par rapport à l’être humain. J’aime questionner la banalité de nos réalités et explorer la complexité de l’être humain. Cependant, il y a be aucoup d’humour dans Barker, même si c’est un humour noir. La part sombre qui en résulte fait partie de chaque être humain. Parfois, c’est très vivifiant de se confronter à cette part sombre, car on réalise que l’on est en vie. Pour moi, les oeuvres dans lesquelles il y a le plus de lumière ont souvent une part très sombre.
Q.L. : Le sous-titre de la pièce Judith est l’adieu au corps. Pourquoi ?
G.L.B. : Dans cette pièce, le corps est le territoire dont on parle. Le but de Judith est d’assaillir le corps de son ennemi en le séduisant et en lui coupant la tête. Le corps devient une métaphore de ce qui se passe entre les personnages. Je trouve qu’il y a aujourd’hui une grande dichotomie entre la raison, la rationalité et le rapport au monde senti, ressenti, vécu. Lorsque je parle du corps, je parle de cette dualité. Cette approche sert un spectacle que je veux être une expérience sensuelle, sensorielle et émotive plutôt qu’intellectuelle.
Judith, l’adieu au corps, du 29 janvier au 17 février dans le stationnement souterrain du marché Jean-Talon.