Dramaturgies en dialogue
Annick Lefebvre veut secouer ses spectateurs. Diplômée depuis 2003 du programme critique et dramaturgie de l’UQAM, l’auteure dramatique de 31 ans aime faire crier ses mots. Sa pièce, Ce samedi, il pleuvait, sera mise en lecture par Philippe Lambert, le 8 septembre au Théâtre de Quat’Sous dans le cadre de l’événement Dramaturgies en dialogue.
Q.L. Ce samedi, il pleuvait propose une incursion dans une famille troublée de banlieue. On y côtoie un père plus intéressé par son chien que par sa femme dépressive et par des jumeaux dans une perpétuelle phase fusionnelle. Pourquoi parler de la banlieue ?
A.L. Au départ, je voulais écrire une comédie pour jeter un regard un peu cynique, mais léger, sur cette espèce d’univers parfois cliché. Finalement, c’est devenu plus cynique, plus noir. Il y a des moments troubles. La banlieue entretient beaucoup l’image d’un endroit où peu de choses se passent.
Q.L. Vous avez déjà écrit que vous préférez les mots durs aux mots mous. De quoi s’agit-il ? Et pourquoi choisir les mots durs pour votre théâtre ?
A.L. Je préfère les mots durs parce que je trouve que ce sont les mots de la confrontation. Au théâtre, je ne cherche pas nécessrement à flatter le spectateur dans le sens du poil et à lui renvoyer une image glorieuse de lui-même. Je cherche à fouiller les zones troubles. Je pense qu’en utilisant des mots durs, on arrive à choquer le spectateur et à obtenir des réactions plus vives. J’exploite des termes comme « cracher », « gueuler », «révolter»; je les associe à un vocabulaire de «téléjournal».
Q.L. Vous aimez ébranler vos spectateurs. Un auteur dramatique est-il un poseur de bombes ?
A.L. Oui, c’est notre devoir de poser des bombes. À condition que la bombe apporte un questionnement. Je ne veux pas faire un théâtre «trash» qui ne serait que «trash». Je veux provoquer les spectateurs. Ça revient à poser des bombes dans la tête des gens. C’est sûr qu’il y a un certain théâtre qui relève plus du domaine du divertissement, mais ce n’est pas mon créneau. Pour moi, il faut que le théâtre soit un choc.
Q.L. Un dramaturge est-il un révolutionnaire en perpétuel combat ?
A.L. Ce n’est pas le devoir du dramaturge d’être un révolutionnaire. Je pense que c’est le devoir de chaque être humain. Il se trouve que je suis dramaturge ; j’ai de la facilité avec les mots. Alors, je me dis que c’est mon devoir de prendre cette force-là et de la mettre au service de mon engagement citoyen.
Dramaturgies en dialogue : Pas de décor ni de costumes
Pour une troisième année consécutive, le Centre des auteurs dramatiques (CEAD) présente l’événement Dramaturgies en dialogue, du 7 au 12 septembre. Les textes d’une dizaine de jeunes dramaturges d’ici et d’ailleurs sont mis en lecture. Pas de décor ni de costumes. Le principe est simple, presque pur : des comédiens vierges d’apparat donnent voix aux textes. Oui, c’est emballant. Quelques infos attrayantes : Fabien Cloutier y présente Billy (Les jours de hurlement) qui lui a valu cette année le Prix Gratien-Gélinas. L’auteur fait un récit dont le thème principal est l’immobilisme et dans lequel on retrouve trois personnages en crise.
L’Argentin Mariano Pensotti y présente Le passé est un grotesque animal, pièce dans laquelle il fait évoluer quatre personnages de la génération de 25 à 35 ans: un homme aspirant à devenir cinéaste indépendant, une femme s’urbanisant, une autre femme aux prises avec un secret de famille impliquant une vie parallèle ainsi qu’un étudiant recevant une main dans une boîte.
MÉLANIE ROBERT
cead.qc.ca
Elle a dit :
Je me réclame du féminisme. Je trouve que c’est important que la parole des femmes se perpétue à travers l’écriture dramatique. Je trouve qu’au théâtre, on n’a pas beaucoup de figures féminines entre 25 et 35 ans. leurs voix ne sont pas beaucoup entendues. Je parlais avec le metteur en scène Claude Poissant récemment. il cherchait des textes de filles à monter. on s’est mis à énumérer les auteures de ma génération. le constat est qu’il y a peu d’auteures. il est alors important que nous puissions nous élever et mettre de l’avant une dramaturgie qui donnerait la parole aux femmes de notre génération.
– Annick Lefebvre
Depuis sa sortie du programme critique et dramaturgie de l’UQAM en 2003, Annick Lefebvre a vu plusieurs de ses textes portés à la scène. Elle a collaboré avec de nombreuses jeunes troupes de théâtre pour qui elle a écrit de courtes pièces. En mars 2010, Artères parallèles a été présentée à la salle intime du théâtre Prospero, et elle participait à la soirée inaugurale du 10e festival du Jamais Lu. Elle était une des dix auteurs que Martin Faucher a rassemblés pour participer à la soirée Jusqu’où te mènera ta langue, tu suite ! Ses pièces Ce samedi, il pleuvait et J’accuse sont présentées en ce moment au Festival Dramaturgiesen dialogue.