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L'étudiante Marta Urbanik a été prise dans une situation légale où elle n'a pu quitter son terrain,

Terrains dangereux et risques collatéraux

À l’UdeM, chaque étudiant désirant entreprendre des recherches de terrain doit, avant toute chose, faire valider sa méthodologie de recherche par un rigoureux protocole d’éthique. Cette étape, obligatoire, constitue le seul encadrement officiel entourant la méthodologie de terrain pour l’étudiant. Ce protocole vise à protéger les participants aux recherches sous trois volets, soit le respect des personnes, la préoccupation pour le bien-être et la justice. Bien que le comité d’éthique n’ait pas comme responsabilité première d’intervenir sur le choix du corpus de recherche, il peut toutefois émettre certaines réserves lorsque la sécurité des informateurs est concernée. «?Notre objectif est de s’assurer que les étudiants comprennent bien ce qu’implique leur terrain, les enjeux soulevés par leur présence et les risques auxquels ils exposent les participants?» souligne le conseiller en éthique de la recherche à l’UdeM Guillaume Paré. Les risques d’un terrain dangereux concernent donc les chercheurs, les participants, mais peuvent aussi impliquer l’entourage personnel de l’étudiant.

Les risques pour les participants directs

Plusieurs éléments sont pris en compte dans un protocole éthique afin de respecter l’intégrité d’un participant. Dans le cadre de recherches en sciences sociales, un aspect important concerne la protection des données et, conséquemment, l’anonymat des informateurs lorsque nécessaire. Cet aspect a d’ailleurs grandement été mis à risque avec le cas très médiatisé de Marie-Ève Maillé, chercheuse à l’UQAM. « Si Mme Maillé avait été forcée de révéler ses sources, cela aurait entraîné des conséquences néfastes pour tous les chercheurs, qui auraient dorénavant peiné à recruter des volontaires pour participer à leurs recherches, souligne par voie de communiqué le président de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université, Jean-Marie Lafortune. Ça aurait été encore pire pour nos collègues qui travaillent sur des sujets sensibles ou qui mènent des recherches auprès de personnes en situation de vulnérabilité. »

Les risques des participants indirects

Si les risques de terrain concernent les participants aux recherches, ils peuvent aussi s’étendre aux personnes n’ayant pas nécessairement participé à celles-ci. C’est ce qu’a appris l’étudiante au doctorat en sociologie de l’Université d’Alberta Marta Urbanik, dont la thèse portait sur des gangs de rue en banlieue de Toronto. Ayant été témoin indirecte du meurtre d’un membre de gang, elle s’est retrouvée au cœur d’une enquête policière et d’un conflit éthique. Alors que l’Université voulait la retirer du terrain pour sa sécurité physique, le comité universitaire des services de la gestion du risque (Risk Management Services – RMS) a jugé préférable qu’elle ne le quitte pas immédiatement. Les membres du comité considéraient qu’un départ précipité aurait éveillé les soupçons chez ses informateurs, pouvant laisser croire qu’elle avait agi tout ce temps comme délatrice auprès de la police. Les participants auraient pu, par vengeance, s’en prendre à la chercheuse directement, mais aussi à sa famille, qui habitait dans la région de Toronto. En choisissant un terrain de recherche en milieu criminalisé, Mme Urbanik devait donc non seulement tenir compte de sa sécurité personnelle, mais aussi de celle de ces proches.

Le terrain constitue une part de responsabilité importante chez le chercheur. Livré à lui-même, il demeure seul responsable des risques que son lieu de recherche implique. S’il est prêt à assumer les conséquences physiques et mentales auxquels il s’expose, il doit prendre en compte que la recherche s’inscrit dans un esprit communautaire qui dépasse la seule réalité du chercheur et expose les autres membres de la communauté aux mêmes risques que lui.

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