« Tannée des “merci” », Valérie Plante évoque sa vision des inégalités hommes-femmes sur CISM

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Par Romeo Mocafico
jeudi 18 mars 2021
« Tannée des “merci” », Valérie Plante évoque sa vision des inégalités hommes-femmes sur CISM
"La pandémie a été révélatrice d’à quel point les inégalités entre les hommes et les femmes continuent d’être présentes" explique Valérie Plante. Crédit : Thien via Flickr, CC BY-NC-ND 2.0.
"La pandémie a été révélatrice d’à quel point les inégalités entre les hommes et les femmes continuent d’être présentes" explique Valérie Plante. Crédit : Thien via Flickr, CC BY-NC-ND 2.0.
« Oui, nous avons beaucoup avancé depuis les années 1960, c’est une évidence, mais être encore obligée de plaider pour la reconnaissance du travail des femmes en 2021 est quand même ahurissant. »
Valérie Plante, mairesse de Montréal

La mairesse de Montréal s’est exprimée cette semaine dans l’émission L’Index de CISM sur la condition des femmes en temps de pandémie et sur les événements marquants de l’histoire du mouvement féministe au Québec.

C’est dans le cadre du 30anniversaire de la radio officielle de l’UdeM, placé sous le signe de la « rétrospective », que Valérie Plante a été invitée le 16 mars dernier au micro d’Émilie Brisson, animatrice de l’émission L’Index.

Le programme, qui s’attarde cette semaine sur les avancées des luttes féministes au Québec, a fait le point sur la situation de ces 30 dernières années et à revisité les événements historiques ayant marqué les femmes et les différentes minorités.

La cofondatrice de Québec solidaire et ancienne présidente de la Fédération des femmes du Québec, Françoise David, ainsi que la présidente du groupe Femmes autochtones du Canada, Michèle Audette, ont également été conviées à partager leurs points de vue.

Les femmes particulièrement affectées par la pandémie

« Cette année très chargée a permis de réaliser à quel point c’était difficile pour les femmes, de façon générale, a déclaré Mme Plante. Il peut y avoir des barrières systémiques à l’emploi, et les femmes sont très représentées dans les secteurs qui ont beaucoup été en demande. » La mairesse poursuit en expliquant que le personnel de certains milieux de travail, comme la santé et l’éducation, ont été particulièrement mis en danger par le virus et a dû faire preuve d’une grande capacité d’adaptation. « On se rend compte aussi que, en temps de crise, ce sont surtout les femmes qui en subissent le contrecoup. »

La mairesse a laissé entendre son impatience quant à la résolution des inégalités lorsque les différences entre les femmes et les hommes ont été évoquées. « Je ne veux pas dire que je suis découragée, car il y a eu beaucoup de chemin parcouru par celles avant nous, a-t-elle souligné. Mais je suis un peu tannée des “merci”. J’ai envie que l’on s’attaque aux problèmes à la source. »

Mme David, également présente lors de cette table ronde, partage le point de vue de Mme Plante. « La pandémie a été révélatrice d’à quel point les inégalités entre les hommes et les femmes continuent d’être présentes, a-t-elle rappelé. Oui, nous avons beaucoup avancé depuis les années 1960, c’est une évidence, mais être encore obligée de plaider pour la reconnaissance du travail des femmes en 2021 est quand même ahurissant. »

L’intersectionnalité, une notion prometteuse ?

Pour Mme Plante, la situation particulière vécue cette année rend ce constat d’autant plus amer. « Comment est-ce qu’on s’assure que les infirmières et les enseignantes sont payées dûment ? a-t-elle demandé. Comment est-ce qu’on peut valoriser leur travail ? Comment on explique que le travail des femmes est toujours sous-payé ? Ça me rend folle. Je suis un peu tous azimuts, particulièrement cette semaine (avec la Journée internationale des droits des femmes, NDLR), mais je trouve que les femmes en ont trop sur les épaules. Chaque année, on fait ce constat-là, mais c’est encore plus difficile cette année. »

En guise de piste de solutions, la notion d’intersectionnalité a été suggérée pour considérer les politiques mises en place. Cette idée semble plaire à la mairesse. « Le fait que cette notion d’intersectionnalité soit incluse dans notre réflexion est tellement pertinent, et pas juste pour les féministes, mais en général, a-t-elle affirmé. On commence à l’entendre davantage dans la société. Voir les inégalités au sein même des femmes, c’est pertinent, ça permet de créer de la solidarité et d’avoir une meilleure compréhension des enjeux. »

Féminicide et dénonciations

Parmi les événements de l’histoire du féminisme au Québec qui les ont le plus marquées au cours des 30 dernières années, Mme David et Mme Plante ont toutes deux cité la Marche Du pain et des roses de 1995, initiée par la Fédération des femmes du Québec. « Il y a eu des revendications très fortes, et ça m’a beaucoup appris sur l’idée de mobilisation citoyenne, qui est aujourd’hui importante dans ma réflexion politique », a révélé Mme Plante.

La mairesse a par la suite mentionné la tuerie de Polytechnique du 6 décembre 1989, événement à l’origine de la notion de « féminicide ». « Polytechnique nous a tous et toutes frappés, a-t-elle déclaré. La notion de féminicide m’a fait un grand bien. Ça m’a retiré un poids, cette incapacité de nommer ce qui s’était passé. J’ai trouvé ça très fort. »

Mme David a également tenu à souligner des avancées constatées au niveau social, notamment concernant la prise de parole des femmes. « Le côté positif, c’est qu’on les dénonce (les violences) beaucoup plus, a remarqué la cofondatrice de Québec solidaire. Visiblement, la société québécoise ne les accepte plus, y compris beaucoup d’hommes. Mais j’aimerais qu’on en finisse avec ce fléau. Ça va prendre quelques années encore, je pense. »

La mairesse, qui souhaite désormais que le système de justice puisse rapidement s’adapter à toutes les formes de dénonciations, partage le même avis.

L’émission est disponible en rediffusion sur le site Internet de CISM 89,3.