«La plupart de mes cours sont donnés en mandarin chinois, ils sont difficiles à suivre et ça n’est pas facile de tout comprendre », remarque l’étudiante au baccalauréat en études asiatiques Pascale Dupuis en échange à l’Université normale nationale de Taïwan (NTNU) à Taipei, la capitale de Taïwan, depuis l’automne dernier. Elle ajoute que certains professeurs ont des accents régionaux prononcés. Quelques cours sont toutefois donnés en anglais.
« Il existe plusieurs groupes linguistiques à Taïwan », explique le professeur émérite du Département de philosophie de l’UdeM et du Centre d’études de l’Asie de l’Est Charles Le Blanc. Les deux principaux sont le chinois taiwanais, parlé par la majorité de la population, puis le chinois mandarin, en usage chez 20 % des Taïwanais. Trois autres groupes de langues coexistent : le chinois hakka, les langues aborigènes et le japonais.
En 1964, M. Le Blanc a commencé son doctorat à l’Université nationale de Taïwan. « Nous étions un petit groupe d’étudiants, j’avais de la difficulté à comprendre l’accent du Sud de mon professeur, mais les autres me l’expliquaient lorsque nous avions à retravailler notre cours », se souvient-il.
Une entente familiale
Malgré la difficulté de la langue, les professeurs sont attentifs aux questions, selon Pascale. « Ils nous traitent comme si nous étions leurs enfants », raconte-t-elle. L’accueil est aussi chaleureux du côté des étudiants locaux. « Au début, cela peut être difficile de se faire des amis, mais une fois dans un groupe, tu en es membre à part entière et ce, jusqu’à la fin de ton échange », affirme-t-elle.
Les effectifs restreints à 50 étudiants par cours permettent aussi plus d’intimité, d’après l’étudiante au baccalauréat en études internationales Léa Daulan, récemment rentrée de son échange au NTNU. « J’ai été surprise que le professeur prenne du temps pour apprendre par cœur nos prénoms », s’exclame-t-elle.
Durant les cours, le travail en groupe est valorisé, ce qui permet de mieux intégrer la matière, d’après les étudiantes. « Certains groupes restent formés durant toute la session, nous réalisons même nos examens en groupe », explique Léa. Les exposés oraux comptent pour 15 à 30 % de la note globale, et les discussions sont encouragées par les professeurs qui notent leur participation, soulignent également les étudiantes.
Une jeunesse engagée
Le 16 janvier dernier, la chef de file de l’opposition taïwanaise, favorable à l’indépendance de l’île vis-à-vis de la Chine, Tsai Ing-wen, du Parti démocratique progressiste, a été élue à la présidence. Première femme à occuper ce poste, Mme Tsai revendique l’identité nationale et l’intégrité territoriale de Taïwan.
En mars 2014, la révolution des tournesols a montré l’attachement de la jeunesse à son identité taïwanaise qui a mené une campagne d’occupation du Parlement. Conduit par des étudiants, le mouvement s’opposait à des accords commerciaux signés entre la Chine et le président sortant Ma Ying-jeou du Kouomintang, parti nationaliste pour une réunification avec la Chine.
La victoire de Mme Tsai incarne l’entrée en politique d’une génération engagée qui va inévitablement compliquer les relations entre Taïwan et la Chine, selon M. Le Blanc. Ces nouvelles revendications politiques ne se feront toutefois pas sentir dans les universités d’après lui. « Celles-ci tentent le plus possible de rester neutres, il y a une volonté de garder de bons rapports avec la Chine étant donné qu’une partie de la croissance économique de Taïwan lui est due », estime le professeur.
Cinq jeunes militants du Parti du nouveau pouvoir ont été élus au Parlement, ayant comme programme le renouvellement de la politique de l’île, la résistance envers Pékin et la promotion de la jeunesse.