Volume 24

Sur les traces des champignons

Véronique Cloutier a réalisé son projet de recherche dans le parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie et la Forêt Montmorency. « J’ai déposé plusieurs plaques de cèdres dans la forêt avec de la nourriture dessus afin d’appâter des micromammifères [NDLR : souris, écureuils, tamias, campagnols et polatouches], explique-t-elle. De cette manière, j’étais en mesure d’obtenir du matériel génétique à partir de leurs excréments. »

D’après son directeur de thèse, professeur retraité du Département des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval, Yves Piché, la forêt est d’une extrême complexité biologique, ce qui ne facilite pas la recherche. « Le manque de connaissance des milieux naturels, amplifié par la difficulté d’établir des dispositifs expérimentaux en forêt, est la source des problèmes rencontrés en sciences forestières », estime-t-il.

Défis et imprévus

Un des grands défis de cette recherche était justement de distinguer chaque animal qui venait se nourrir sur les plaques de cèdre, ce qui a demandé de la patience. « Un premier test ADN est effectué pour identifier l’animal, fait savoir la biologiste. Par la suite, un deuxième test est réalisé pour savoir quel champignon a été mangé par l’animal. » Véronique a également dû faire face à l’absence de banques de données qui contiennent le profil ADN des champignons, le sujet étant peu étudié. « Il a fallu que mon équipe et moi grattions nous-mêmes le sol afin de trouver des champignons et les ajoutions dans les banques de données publiques qu’on retrouve sur Internet », indique-t-elle.

Terrain peut parfois aussi rimer avec blessures. « Je voulais savoir si, tout comme les mammifères, les champignons changent en altitude, affirme-t-elle, après avoir escaladé une montagne. J’étais trop orgueilleuse pour demander à mon équipe de ralentir la cadence, j’ai fini par me blesser au genou droit. » Elle a été au repos pendant un mois avant de pouvoir continuer.

L’employée du parc national des Hautes-Gorges Julie Michaud, qui a participé aux excursions en forêt avec Véronique, évoque les précautions sanitaires qu’il a parfois fallu prendre pour minimiser les risques de contamination. « Nous avons dû porter des masques pour récolter les échantillons en raison de maladies présentes », mentionne-t-elle.

Un projet coûteux

Pour démarrer son projet de doctorat, Véronique Cloutier n’a eu d’autre choix que d’utiliser ses économies, n’ayant pas obtenu assez de subventions de l’Université pour couvrir toutes ses dépenses. « Pendant plusieurs années, j’ai dû fournir les fonds de recherche, qui se sont élevés à environ 40 000 $, raconte-t-elle. Je savais que je prenais un gros risque, mais à mes yeux ça en valait la peine. » L’achat d’équipement, les trajets, les tests de laboratoire et les cinq années de recherche lui ont cependant été remboursés par l’Université au vu des premiers résultats.

Selon M. Piché, se lancer dans une recherche sur le terrain comme celle-ci exige de la préparation puisqu’il faut être en mesure de rassembler des gens disponibles pour participer bénévolement au projet. « Cela exige aussi une capacité d’analyse à la fine pointe de la technologie soutenue par une profonde compétence de pouvoir intégrer ses résultats », déclare-t-il.

Partager cet article