Volume 21

Star porno contre son gré : et si c’était vous ?

Une vidéo érotique d’une Montréalaise a été mise sur internet sans le consentement de la principale intéressée, qui se tourne aujourd’hui vers la Cour supérieure dans le but d’obtenir réparation pour le préjudice moral qui lui a été causé, l’identité de celui qui a permis la diffusion de la vidéo ayant été révélée par le site PornHub.

Cette affaire a fait le tour des manchettes le 1er avril dernier. À première vue certains auraient pu y voir une blague, un poisson d’avril de mauvais goût, mais il n’en était rien. Bien au contraire, c’est en avril 2013 que cette jeune femme a pris connaissance de la vidéo diffusée sur les sites PornHub et Bangyoulater. Au début de l’année 2014, la vidéo avait été vue 4307 fois sur PornHub et 154 362 fois sur Bangyoulater.

À la demande de la victime, les deux sites en cause ont accepté de retirer le contenu préjudiciable qui a porté atteinte à la vie privée et à la réputation de la jeune femme.

Interviewé par La Presse, Catherine Dunn, porte-parole de Mindgeek, qui détient PornHub a expliqué que, lorsqu’une demande de retrait d’une vidéo est présentée au site internet, ce dernier applique les règles de l’entreprise, c’est-à-dire faire droit à la demande.

 

Le retrait de la vidéo sur simple demande, une règle de l’entreprise ? Pas tout à fait…

L’ article 13 de la Directive 2000/31/CE de l’union européenne et l’ article 22 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information, loi québécoise, prévoient une règle identique : le prestataire de service, agissant à titre d’intermédiaire entre les usagers, tels Google, YouTube, PornHub, Bangyoulater, sites de partages de contenus, ne sont pas responsables des informations à caractère illicite qui y sont diffusées.

En revanche, les deux législations prévoient que les prestataires de service sont responsables seulement s’ils ont pris connaissance du caractère illicite des activités et qu’ils n’agissent pas rapidement pour retirer les informations concernées.

Dans cette affaire seul le site PornHub a adopté la bonne conduite, il a accepté le retrait de la vidéo et de toutes les informations ayant trait à l’identité de la victime. Le site Bangyoulater, de son côté, malgré le retrait de la vidéo, a laissé les informations personnelles de la victime en ligne, à la vue de tous.

 

Une règle imposée par la Loi

À la lumière des ces deux articles, nous constatons que le prestataire de service ne joue aucun rôle préventif. Il n’interviendra qu’après la diffusion en ligne de la vidéo, lorsqu’il aura reçu une plainte pour contenu illicite. D’une part, parce qu’il serait hasardeux, voire impossible, de demander à YouTube d’opérer un contrôle avant toute diffusion de vidéos, leur nombre étant trop important. Et, d’autre part, puisque le prestataire de service n’agit qu’à titre d’intermédiaire entre les internautes, il leur permet de communiquer, partager et échanger.

La Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information a donc prévu un régime de responsabilité civile pour le prestataire de services et d’exonération de responsabilité en cas de conduite prudente et diligente. 

Cependant, tout individu qui diffuse du contenu illicite sans le consentement des parties concernées s’expose aussi à une poursuite en responsabilité civile sous le Code civil du Québec. L’article 1457 C.c.Q dispose : « Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui. Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel. […] »

Lorsque du contenu portant atteinte à la réputation et à la vie privée d’un individu est diffusé, c’est donc vers la responsabilité civile qu’il faut se tourner afin d’obtenir réparation. Dans cette affaire, la société Mindgeek, qui détient PornHub a décidé de coopérer avec la victime afin de divulguer l’identité de l’utilisateur à l’origine de la diffusion, la poursuite contre le site a donc été abandonnée.

Sans cette coopération, la victime aurait été dans l’obligation de s’adresser aux tribunaux afin qu’ils ordonnent la divulgation de l’identité de l’utilisateur fautif. Celle-ci étant désormais connue, une action en responsabilité civile est possible contre lui et contre le site Bangyoulater pour son manque de diligence, car l’anonymat sur internet est parfois perçu comme le masque de l’immunité.

Plus de chroniques de Christopher Dicecca sur le blogue droit du net.

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