Sons de l’oubli

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Par Mathias Chevalier
mercredi 20 septembre 2017
Sons de l’oubli
Léa Boudreau explique l’importance d’enregistrer ses propres sons, comme le bruit que ferait une tasse de café que l’on repose sur son sous-verre. Photo : Laura-Maria Martinez
Léa Boudreau explique l’importance d’enregistrer ses propres sons, comme le bruit que ferait une tasse de café que l’on repose sur son sous-verre. Photo : Laura-Maria Martinez
Le troisième prix de composition Hugh-Le Caine, offert par la Fondation de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Fondation SOCAN), a été décerné le 31 août dernier à l’étudiante au baccalauréat en composition électroacoustique Léa Boudreau pour la pièce Dementia. C’est une étape avant tout symbolique pour cette jeune artiste déjà bien habituée à la scène et aux studios.

Quartier Libre : Que représente ce prix pour toi ?

Léa Boudreau : J’en suis vraiment heureuse ! C’était un peu inattendu, parce qu’au départ c’est un ami qui m’avait envoyé le lien vers ce concours, et qui m’a poussée à m’y inscrire. J’avais déjà des compositions électroacoustiques et je leur ai simplement envoyé la dernière pièce que j’avais écrite. Je ne sais pas encore ce que ça signifie pour la suite, mais c’est sûr que c’est encourageant.

Q. L. : D’où t’est venue l’inspiration pour composer Dementia ?

L. B. : C’était surtout pour mon grand-père, atteint de la maladie d’Alzheimer et dont je suis vraiment proche. C’est une maladie qui nous affecte directement, mais aussi indirectement. En composition, j’aime les contextes sombres, qui font peur et sont difficiles à exprimer. J’étais avec mon synthétiseur, chez moi, j’ai pesé sur le bouton « enregistrer » et j’ai joué pendant une heure et demie. Tout n’était pas intéressant, mais j’ai pu choisir mes segments préférés et les retravailler pour en faire quelque chose d’original.

Q. L. : Peux-tu nous dire comment tu travailles, comment tu trouves tes sons ?

L. B. : Ça dépend. Avec Nørre, mon projet électro, je travaille beaucoup avec des synthétiseurs, des machines, mais il y a aussi de la voix, parce que c’est un format chanson. Je joue avec tout ça afin de trouver un rythme. Pour Dementia, je suis partie d’un concept. C’est une composition qui suit la dégradation du cerveau humain. Il m’a fallu penser à la manière dont on peut représenter la perte de la mémoire de façon chronologique. J’ai pris des sons de synthèse les plus simples possible et leur ai affecté toutes sortes de traitements pour mimer les dommages cérébraux.

Q. L. : Est-ce que l’obtention du prix Hugh-Le Caine te pousse à t’engager dans de nouveaux projets, dans de nouveaux concours ?

L. B. : C’est certain. Même si je n’avais pas gagné ce concours, j’aurais quand même continué à composer, au moins pour mes cours à l’université. C’est quelque chose qui me passionne beaucoup, la musique électroacoustique, et j’ai déjà des idées de compositions que je vais écrire pendant le reste de l’année. Et tant qu’à y être, c’est sûr que je vais en envoyer quelques-unes dans d’autres concours.

Q. L. : Est-ce que le fait d’avoir gagné un prix change ton rapport à la création ?

L. B. : Oui et non. Ça me pousse à créer plus, mais même si je n’avais pas gagné de prix, j’aurais quand même continué à avancer dans mes projets. J’ai déjà envie d’essayer de nouvelles choses et je n’arrête jamais de composer. C’est vraiment agréable d’être reconnue pour ce qu’on fait, mais je continue de travailler tous les jours. Le fait d’avoir gagné un prix ne change finalement pas grand-chose.