S’inspirer d’une série télé

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Par Kim Jandot
vendredi 20 octobre 2017
S’inspirer d’une série télé
« Rencontrer des difficultés est quelque chose de normal et y avoir pensé en amont peut permettre de développer des moyens de protection et de favoriser la résilience. » Catherine Grabherr, psychologue et membre du comité de prévention du suicide du CSCP (Photo: Jèsybèle Cyr)
« Rencontrer des difficultés est quelque chose de normal et y avoir pensé en amont peut permettre de développer des moyens de protection et de favoriser la résilience. » Catherine Grabherr, psychologue et membre du comité de prévention du suicide du CSCP (Photo: Jèsybèle Cyr)
Le Centre de santé et de consultation psychologique (CSCP) a lancé en septembre sa campagne « 13 façons de parler du suicide » inspirée de la série Treize raisons, que diffuse la plateforme Netflix depuis le 31 mars 2017.

Les psychologues et membres du comité de prévention du suicide du CSCP Philippe Tremblay, Catherine Grabherr et Sylvie Corbeil se sont inspirés des réactions suscitées par la série. Des inquiétudes à propos des effets qu’elle pouvait engendrer ont notamment été soulevées par les médias. Les membres se sont alors lancé le défi de proposer une réflexion autour de la série et d’ainsi s’en servir comme médium pour parler du suicide à la population universitaire. « Il y a un dénouement qui vient avec un espoir et qui montre l’impact positif qu’on peut avoir sur les autres, explique M. Tremblay. C’est cette sensibilisation à la souffrance des autres qui nous a inspirés pour la campagne de prévention. »

L’initiative « 13 façons de parler du suicide » s’articule en deux parties comptant au total 13 ateliers. Les premiers, ouverts à tous, proposent une prévention dite primaire, dont l’objectif est de sensibiliser la population universitaire au suicide : apprendre à en repérer les signes, à approcher la personne concernée et à déterminer le degré d’urgence. Par la suite, la campagne sera axée sur l’expression créative, en ciblant davantage les étudiants à risque. Dans le onzième atelier, destiné à l’ensemble des étudiants, l’art sera utilisé sous toutes ses formes pour favoriser le développement de moyens d’expression variés.

La série pour interpeller les étudiants

Selon M. Tremblay, les jeunes qui écoutent cette série n’ont pas forcément le recul nécessaire pour comprendre que les abus présentés sont anormaux et qu’il existe des moyens de s’en sortir. « Les jeunes peuvent développer un biais par rapport aux sources d’aide et ne pas les utiliser en se disant que ça ne mènera à rien », précise-t-il.

L’étudiant à la maîtrise en psychopédagogie à l’UdeM Gabriel Tétrault croit toutefois que la campagne est en décalage avec le milieu universitaire. « Je verrais davantage cette campagne au collégial, souligne-t-il. Je pense que Treize raisons rejoint des étudiants plus jeunes. Un thème plus large aurait été préférable. »

Dans la série, l’idée de vengeance est omniprésente. Mme Corbeil la définit comme l’expression d’une détresse mal communiquée. « La protagoniste doit crier très fort pour émouvoir, ajoute la psychologue. Elle est convaincue que le monde est insensible et elle souhaite créer l’émotion par son suicide. » La spécialiste précise cependant que les suicides ne comportent pas tous un tel motif.

L’étudiant au baccalauréat en économie et politique Jean-François Bigras se dit plutôt mitigé quant à l’incidence qu’aura la campagne. « Dû au fait qu’il y a eu beaucoup de controverses avec Treize raisons, ça peut aider, pense-t-il. D’un autre côté, c’est difficile de se sentir interpelé si on ne s’identifie pas à la protagoniste de la série. »

Ramener le côté humain

Des activités ont déjà eu lieu, notamment la projection du film Baccalauréat, dans lequel on retrouve une jeune fille aux prises avec le stress des examens, qui s’ajoute à de nombreuses autres difficultés dans sa vie. En introduction, M. Tremblay et Mme Grabherr ont également invité les étudiants à une discussion concernant ce qu’ils ont vu. « Il est important de s’accorder des moments de réflexion autour de son projet universitaire, souligne Mme Grabherr. Rencontrer des difficultés est quelque chose de normal et y avoir pensé en amont peut permettre de développer des moyens de protection et de favoriser la résilience. »

Gabriel croit toutefois que la campagne n’a pas reçu suffisamment de visibilité. « Étant donné le peu de publicité qui est faite, je me demande si cette campagne va servir à quelque chose », exprime-t-il. L’étudiant pense que l’initiative aurait également pu s’adresser à un groupe plus large.