Culture

Dans son ouvrage, la professeure Louise Vigneault explique comment Thomson et Riopelle ont contribué à refaçonner la tradition picturale du Canada, rompant avec celle de l'Europe. (Crédit photo : Pascal Dumont)

S’imprégner de la nature par Thomson et Riopelle

Thomson et Riopelle ont utilisé leur art afin d’influencer la conception de la nature dans la culture canadienne et québécoise. La professeure à l’UdeM Louise Vigneault s’est intéressée à ces deux peintres dans un essai qui lui a valu deux honneurs prestigieux le mois dernier.

« En me voyant honorée d’un prix scientifique [Prix du Canada pour les sciences humaines] et d’un prix littéraire [Prix Victor Barbeau] pour un seul et même ouvrage, je pense que je me rends encore davantage compte à quel point toutes mes passions sont liées », raconte Louise Vigneault, rencontrée dans son bureau au pavillon Lionel-Groulx. Son livre Espace artistique et modèle pionnier : Tom Thomson et Jean-Paul Riopelle a été honoré par deux instances : l’Académie des lettres du Québec et la Fédération des sciences humaines du Canada.

La professeure a voulu en apprendre davantage sur l’américanité, concept sur lequel il n’existe presque aucune documentation. «En étudiant cette idée, on arrive à mieux comprendre le rapport entre le Canada et le reste du continent américain, leur influence l’un sur l’autre», explique Mme Vigneault.

Dans cet ouvrage, la professeure compare les peintres Tom Thomson et Jean-Paul Riopelle (voir au bas de la page) et illustre comment chacun a contribué à refaçonner la tradition picturale du Canada, rompant avec celle de l’Europe. «Même s’ils ont vécu à des époques différentes, tous deux ont eu un défi en commun: montrer à la population que le territoire, le contact avec l’environnement est lié à la construction de l’identité d’un peuple», développe-t-elle.

Vers la fin du 19e siècle, on ne s’aventurait que très peu dans le Nord canadien et on le croyait aride et terne. Par son oeuvre, Thomson a illustré la beauté et la lumière du territoire. Mme Vigneault souligne à quel point les deux artistes se sont imprégnés de la nature. Ils ont présenté des phénomènes naturels propres au Canada comme aucun de nos artistes n’avait pu le faire auparavant. « Ce que les deux artistes ont en commun, c’est leur relation directe avec l’environnement, indique-t-elle. On ne fait pas juste représenter ce qu’on voit, on choisit la technique en fonction de ce qui est représenté. Peu d’artistes ont fait ça ! »

Riopelle utilisait, par exemple, la technique du pochoir dans ses séries sur les oies, représentant ainsi le mouvement de l’oie ou encore la complexité de ses ailes.

Parcours sinueux

Après avoir étudié les arts plastiques au cégep, Louise Vigneault se dirige vers des études supérieures en histoire de l’art. «J’avais l’impression que, comme artiste, je n’apporterais pas grand-chose. La recherche m’intéressait énormément. J’avais besoin de cette stimulation intellectuelle.»

Elle complète alors un doctorat à l’Université McGill. «Je faisais mon doctorat sur la question identitaire dans l’art au Québec, se rappelle-t-elle. Le fait de me retrouver dans un milieu anglophone pour mes études m’a vraiment permis de me distancer de ma propre culture pour mieux la comprendre.»

Elle avoue qu’elle voulait uniquement faire de la recherche et que l’enseignement ne l’intéressait pas de prime abord. «J’étais terrorisée à l’idée de parler devant une classe, je ne communiquais pas bien! À McGill, on est obligé de le faire dès notre première session et après mon premier cours, j’ai su que j’avais un réel coup de coeur pour l’enseignement.»

Elle est reçue professeure en histoire de l’art à l’UdeM tout de suite après avoir obtenu son doctorat en 2000. Depuis 2007, ses recherches portent sur les langages de représentation et les stratégies en vigueur chez les artistes d’origine autochtone du Québec.

 

JEAN-PAUL RIOPELLE, L’AUTOMATISTE

Décédé en 2002, Jean-Paul Riopelle est l’un des artistes québécois les plus reconnus à l’international. « Il a vraiment permis au Québec de comprendre son histoire à travers l’occupation de son territoire», souligne la professeure en histoire de l’art à l’UdeM, Louise Vigneault.

Plus jeune, il étudie avec le peintre québécois Paul-Émile Borduas et devient membre du mouvement automatiste, qui préconise une approche intuitive et plutôt abstraite. Il signe le Refus global en 1948, dans un désir de changer la face de l’art au Québec et l’immobilisme de la société québécoise de l’époque.

Il habite ensuite Paris pendant 25 ans, où il y rencontre Joan Mitchell, femme avec qui il partagera art et amour pendant de nombreuses années.

Il retourne au Québec, y ouvre un atelier à l’Esterel et continue ses oeuvres sur les oiseaux, principalement les oies. «Riopelle utilisait le pochoir pour immortaliser ces oiseaux. C’était un grand chasseur et la nature occupe une part très importante dans son oeuvre, souligne-t-elle. La meilleure façon pour lui de comprendre la nature est de s’y immerger et de perdre ses propres repères. Cela passait par la chasse.» 

TOM THOMSON, LE DESSINATEUR-GRAVEUR

Né en 1877, Tom Thomson est connu pour son apport à l’art canadien. «Il a grandi sur une ferme et cela a certainement beaucoup influencé son art et son rapport à la nature», explique la professeure en histoire de l’art à l’UdeM, Louise Vigneault.

Il tente pendant quelques années de trouver une profession acceptable pour l’époque, mais son amour de l’art et son talent l’amènent à travailler comme dessinateur-graveur.

Son embauche à la maison Grid Ltd en 1909 est déterminante. Il y rencontre les artistes qui formeront, après sa mort, le Groupe des Sept. Tous utilisaient une technique brute, des couleurs vives et des matériaux naturels dans l’exercice de leur art, le tout grandement inspiré du peintre.

Quelques années plus tard, Thomson se rend dans le Nord de l’Ontario et se laisse inspirer par les beautés du parc Algonquin. Il représente les paysages canadiens dans toute leur beauté et leur puissance, leur grandeur et leur côté dramatique. « J’habite moimême dans la nature depuis quelques années, raconte Mme Vigneault. C’est vraiment merveilleux de voir, au fil de mes recherches, tout ce que Thomson avait voulu exprimer par son oeuvre.»

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