S’endormir entre deux écrans

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Par Ethel Gutierrez
mercredi 27 novembre 2013
S’endormir entre deux écrans
L’utilisation du cellulaire ou de l’ordinateur avant de dormir peut entraîner des méfaits sur l’organisme en raison de la trop grande intensité lumineuse de ces appareils. (crédit photo : Adil Boukind)
L’utilisation du cellulaire ou de l’ordinateur avant de dormir peut entraîner des méfaits sur l’organisme en raison de la trop grande intensité lumineuse de ces appareils. (crédit photo : Adil Boukind)

Certains étudiants ont l’habitude de dormir avec leur cellulaire ou d’utiliser leur ordinateur au lit juste avant de s’endormir. Toutefois, cette habitude a des répercussions sur le sommeil et peut causer à long terme un dérèglement du cycle du sommeil ou des émotions.

Selon un sondage réalisé par la compagnie téléphonique Rogers, 74 % des gens consultent leur téléphone le matin avant même de se brosser les dents, et 48 % d’entre eux l’apportent au lit avant de se coucher. «Tous les jours, je me couche avec mon cellulaire et je peux facilement passer une vingtaine de minutes avant d’éteindre la lumière, reconnaît l’étudiante en communication à l’UdeM Pauline Della-Guionie. C’est également la première chose que je prends en me levant le matin.»

De son côté, l’étudiante en enseignement à l’université de Sherbrooke Jennifer Alves Nadeau s’endort tous les jours avec son ordinateur dans le lit tout en rechargeant son cellulaire à côté d’elle. «J’aime m’endormir avec de la musique, dit-elle. Par contre, je n’oublie pas de mettre mon cellulaire sur le mode vibreur afin qu’il ne me réveille pas.» Contrairement à l’étudiante de Sherbrooke, l’étudiante de l’UdeM explique que si son cellulaire sonne durant la nuit et qu’elle l’entend, elle répond, mais parvient à se rendormir facilement. «Le cellulaire n’affecte pas mon sommeil», juge l’étudiante en communication.

La professeure au Département de psychologie de l’UdeM Julie Carrier affirme au contraire que les cellulaires et les ordinateurs génèrent une très grande intensité de lumière et provoquent un effet stimulant au cerveau. «Le message envoyé au cerveau dit qu’il fait encore jour, et par conséquent, qu’il n’est pas l’heure de dormir», explique Mme Carrier. Le comportement de l’individu face à son utilisation des nouvelles technologies influence aussi le cycle du sommeil : jouer à des jeux stimulants sur son ordinateur ou à des mots cachés sur son cellulaire n’a pas les mêmes répercussions sur une personne.

L’hormone de Morphée

Communément appelée l’hormone du sommeil, la mélatonine est sécrétée par une glande en réponse à une absence de lumière. Selon une étude de l’Institut Polytechnique Rensselaer (RPI) de New York, le rétroéclairage et l’exposition nocturne aux rayons des diodes électroluminescentes (DEL) provenant des cellulaires, des tablettes et des ordinateurs peuvent ralentir, voire même arrêter la production de mélatonine.

«Notre horloge est extrêmement sensible à la lumière, déclare la professeure titulaire au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine de l’UdeM Marie Dumont. Cette lumière bleue contrôle notre horloge et finit par créer un dérèglement.» Une exposition de deux heures à la lumière émise par un écran d’ordinateur ou de cellulaire réduit de 20 % la mélatonine dans le corps d’un individu, révèle l’étude du RPI. Mme Dumont affirme que cette source de lumière perturbe la phase de sommeil et affecte le rythme circadien. Ce rythme intérieur gère les 24 heures d’une journée.

À plus long terme, l’accumulation du manque de sommeil peut entrainer plusieurs conséquences. « Elle affecte notre vigilance, notre performance et notre humeur, explique Mme Dumont. Ce manque de sommeil peut également entrainer une prise de poids, voire même engendrer du diabète.»

Mme Carrier doute un peu des recherches faites concernant l’effet de la lumière des écrans sur notre sommeil. « Si on utilise notre écran avec l’intensité la plus forte, il est normal que cela affecte notre sommeil, soutient-elle. Par contre, si on les utilise avec la plus faible intensité, je ne vois pas de problème.»

Jamais sans mon cellulaire

Selon le professeur titulaire au Département de communication de l’UdeM André Caron, les individus qui se couchent avec leurs téléphones le font par peur de manquer un appel important de la part d’un proche. «Pour plusieurs, le cellulaire est une couverture de sécurité, déclare M. Caron. Symboliquement, ce n’est pas juste un outil de communication, mais tout l’univers qui gravite autour de la personne. » L’étudiante en communication Pauline Della-Guionie se reconnaît dans les propos du professeur. «Je veux être disponible si un de mes amis ou quelqu’un de ma famille a besoin de me rejoindre, déclare l’étudiante. De plus, je m’en sers comme réveille-matin, et avant de me coucher, je parle à mon copain, ou bien je vais sur Facebook ou Instagram.»

Avec l’arrivée des nouvelles technologies, un nouveau terme est apparu «la nomophobie». Ce terme représente un état de stress que vivent les personnes lorsqu’elles sont séparées de leurs téléphones cellulaires.

Dans son livre Culture mobile coécrit avec Letizia Caronia, M. Caron explique que la société actuelle est de plus en plus interconnectée. Il en résulte un débordement de l’information de plus en plus intense, et surtout rapide, en raison de la multitude de gadgets électroniques.

Les nouvelles technologies de l’information apportent une certaine insécurité à l’individu. «On retrouve une dimension de présence, affirme le professeur de communication. Les personnes ont peur d’être oubliées si jamais elles ne sont pas joignables, mais aussi de ne plus exister dans leur cercle d’amis.»

Ces habitudes disparaissent d’elles-mêmes avec l’âge, au moment où la personne acquiert davantage de maturité. «Plus tard, on se rend compte qu’on n’a pas besoin d’avoir 150 amis Facebook, mais qu’on a cinq amis sur qui on peut compter en tout temps», explique le professeur. Toutefois, ces technologies sont tellement bien ancrées dans notre quotidien qu’on ne s’en aperçoit plus. Elles sont rendues pratiquement transparentes commente M. Caron.