Volume 26

Rouvrir les portes aux premières nations

Quartier Libre : L’autochtonisation diffère- t-elle de la décolonisation ?

Marie-Pierre Bousquet : La question à se poser, c’est : dans quelle mesure les universités ont-elles pris part au processus de colonisation ? En existe-t-il des reliquats dans leur façon de faire ? Par exemple, entre 1876 et 1920, dans la Loi sur les Indiens, les Amériendiens qui obtenaient un diplôme universitaire perdaient automatiquement leur statut indien. Ou alors, pour être plus positif, dans un univers où les Autochtones subissent les séquelles intergénérationnelles de la colonisation et du colonialisme, comment les universités peuvent-elles participer à changer la donne ? À partir de là, les interprétations divergent.

Q. L. : Alors quels leviers d’action propose l’autochtonisation ?

M-P. B. : Il faut favoriser l’inclusion et une meilleure compréhension des étudiants autochtones. D’abord, il faut qu’ils se sentent accueillis au sein des universités. Il faut connaître leurs besoins, leur réalité, leur histoire, mais aussi le fait que les universités n’apparaissent pas forcément comme des modèles pour eux. Qu’est-ce qu’être un modèle autochtone ?

Il est également important d’avoir des espaces d’expression où il est possible de parler de ses propres épistémologies (NDLR : étude de la connaissance) sans qu’elles soient raillées parce qu’elles ne sont pas des épistémologies occidentales. Il faut une plus grande adaptation des services, tout comme il est important de reconnaître la place de l’histoire du lieu même où est située l’université. Il faut aussi reconnaître les savoirs autochtones au sein des programmes.

Q. L. : Où se situe l’UdeM en ce qui a trait à l’inclusion des étudiants autochtones ?

M-P. B. : Un plan d’autochtonisation sera annoncé prochainement en ce qui concerne l’UdeM. Il y a quand même des initiatives mises en place au sein de l’Université. Depuis 2015, le salon Uatik est à la disposition des étudiants autochtones. Il s’agit d’un espace où ces derniers peuvent recevoir des services adaptés (par exemple, du soutien psychoculturel, la visite d’aînés, du tutorat linguistique) s’inscrivant dans une initiative de sécurité culturelle. C’est aussi un espace de rencontres pour créer des liens. Il y a une rentrée spécifique pour les étudiants autochtones, à laquelle s’ajoute une semaine de la culture en septembre.

Depuis 2018, il existe une déclaration de reconnaissance territoriale. Il y a aussi un groupe d’autochtonisation de l’UdeM, qui est un vaste groupe de consultation. Plusieurs bourses ont également été créées au sein de l’UdeM pour encourager les étudiants autochtones à continuer leurs études et pour les récompenser de leur persévérance. Je ne sais pas si tous les étudiants se sentent bien au sein de l’UdeM, mais c’est notre vœu le plus cher, et c’est vers cela que l’on se dirige.

Q. L. : Comment se place l’UdeM par rapport aux autres universités montréalaises ?

M-P. B. Je suis assez satisfaite du travail de l’UdeM, qui, de par ses initiatives, a rattrapé beaucoup de temps perdu. Aujourd’hui, elle fait partie des universités qui œuvrent le plus dans ce sens. Historiquement, Concordia est l’université dans laquelle naissent le plus d’initiatives depuis le plus longtemps. La réalité dans la francophonie est différente, puisque beaucoup moins d’étudiants autochtones s’expriment en français qu’en anglais. Il faut donc placer ces avancées au sein d’un effort collectif des universités francophones.

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