Révol-succion dans le monde des jouets sexuels

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Par Mélanie Le Berre
jeudi 19 novembre 2020
Révol-succion dans le monde des jouets sexuels
Selon les utilisatrices, cette technologie par pression d'air permettrait de d'explorer des options qui s’écartent des formes phalliques et de la pénétration. Crédit : Womanizer via Unsplash.
Selon les utilisatrices, cette technologie par pression d'air permettrait de d'explorer des options qui s’écartent des formes phalliques et de la pénétration. Crédit : Womanizer via Unsplash.

Les jouets sexuels « succion » connaissent actuellement un certain succès. Ils se distinguent par leur particularité d’exercer une pression d’air sur la zone érogène, et non une vibration. Des utilisatrices partagent leur expérience.

« Ce qu’on appelle “succion” est plutôt une “pression d’air”, explique la photographe et illustratrice sexe-positive et féministe, Charlie Bourdeau. Le jouet va envoyer des petites pulsions d’air et non faire une aspiration comme on pourrait le penser. Il crée un petit espace et c’est à travers ça que vont se ressentir les effets de succion, ça ne va pas “aspirer” le clitoris. »

Selon la blogueuse et auteure Mélodie Nelson, qui aborde fréquemment la sexualité dans ses publications, la technologie par succion se distingue clairement de ce qui existait auparavant. « Le clitoris est enfin reconnu comme une zone de plaisir et de jouissance à ne pas négliger », se réjouit-elle.

Des utilisations variées pour des plaisirs diversifiés

 D’après la blogueuse Marika, du compte Gogo Gadget, les sensations que procure ce jouet pourraient se rapprocher de celles obtenues lors du sexe oral. Elle précise aussi que les jouets à succion sont aussi une belle option pour les personnes qui se sentent rapidement engourdies. « Les vibrations, ça peut engourdir le clitoris et le rendre soit insensible soit trop sensible »,explique-t-elle.

Certaines utilisatrices, notamment Alice*, préfèrent ainsi la pression d’air aux vibrations. « J’ai l’impression que ça donne une sensation plus complète qu’un jouet qui ne fait que vibrer, témoigne-t-elle. C’est plus satisfaisant que les autres jouets. Les orgasmes sont plus intenses et c’est plus rapide d’en avoir avec la succion»

Une autre utilisatrice, Rébecca*, qui confie avoir commencé à explorer sa sexualité tardivement, partage le même avis. Issue d’une famille religieuse, elle a dû défier plusieurs tabous avant d’apprivoiser son plaisir. Cette technologie a été pour elle une révélation. « C’est vraiment un monde à découvrir, c’est une belle façon d’apprendre à se connaître, confie-t-elle. Maintenant, je ne pourrais plus m’en passer. »

Des jouets uniques, mais pas magiques

Marika admet néanmoins que l’expérience peut être moins satisfaisante pour d’autres personnes et qu’il est possible de ne pas apprécier. « Ce n’est pas parce que tu aimes les vibrations que tu vas nécessairement aimer la pression à air », précise-t-elle.

Charlie rejoint son avis. « Même si certains modèles sont moins puissants, ça peut être trop intense pour certaines personnes, trop rapide, ce qui fait qu’elles n’ont pas eu le temps d’avoir un “build-up” [NDLR : une montée graduelle du plaisir] », souligne-t-elle.  

Cette nuance est aussi apportée par Jade*, une utilisatrice qui préfère les approches moins ciblées et plus englobantes. « Ça chatouille, ce n’est pas un type de jouet qui est fait pour mon corps », révèle-t-elle. Elle ajoute que la taille des embouts peut aussi faire la différence, en prenant l’exemple du jouet proposé par la marque Satisfyer. « C’est gros comme un doigt, donc si ton clitoris ne gonfle pas énormément, tu peux ressentir la succion sur les lèvres aussi, donc ça n’atteint pas le plein potentiel du jouet », poursuit-elle. Jade confie cependant que le jouet peut être utilisé de façon créative et que la pression d’air peut aussi stimuler les mamelons ou le gland du pénis.

Les origines de ce succès

« Des témoignages que j’ai lus, pour beaucoup de personnes, ça a été leur premier orgasme, affirme Marika. C’est la première fois qu’elles ont pu vivre un orgasme, ou du moins aussi intense que ça, et c’était avec ce type de jouets. » Charlie abonde dans le même sens et ajoute que cette reprise de possession de son corps peut redonner confiance, dans une optique « d’empowerment ». Elle ajoute aussi que les jouets qui utilisent cette technologie permettent, surtout en ce moment, de se recentrer sur soi et de pousser le « self-care »encore plus loin.

Selon Mélodie, ces jouets répondraient à un besoin jusqu’à présent peu exploré, celui de développer des options qui s’écartent des formes phalliques et de la pénétration. Les utilisatrices interrogées qui rapportent avoir des irritations ou un certain inconfort lors de la pénétration apprécient particulièrement cette technologie par pression d’air.

Les jouets « à succion », quelles fonctionnalités ?

Charlie a débuté ses évaluations de jouets sexuels lorsqu’elle travaillait pour Blush Novelties, un fabricant de jouets sexuels pour adultes. D’après elle, une variété de modèles existe, mais trois marques s’imposent lorsqu’on parle de cette technologie : Womanizer, Satisfyer et Lelo. Certains modèles combinent les fonctionnalités, en mêlant vibrations, possibilité de pénétration et succion.

Charlie précise que les niveaux d’intensité varient également d’un modèle à l’autre et certains offrent le chargement USB, des versions waterproof, des options silencieuses ou même un mode« autopilote ». Pour profiter pleinement de celui-ci, Charlie suggère d’installer le jouet pour enrober le clitoris de façon à ce qu’il reste en place, avec la main ou les cuisses. « L’autopilote va décider de l’intensité, ça va aller plus vite, ça va redescendre, ça va faire des plateaux, l’air qui est pulsé va être de différentes intensités, détaille-t-elle. C’est assez intelligent comme jouet, parce qu’il va capter le niveau d’excitation par rapport au gonflement du clitoris, c’est assez précis. » Elle recommande aussi l’utilisation de lubrifiant pour favoriser un fonctionnement optimal du mécanisme par pression d’air.

* Afin de garder l’anonymat des utilisatrices interrogées, les prénoms ont été modifiés.