Dans la salle d’exposition, 17 enveloppes épaisses de papier japonais soigneusement ficelées sont disposées sur des tablettes murales. Des étiquettes beiges, qui rappellent celles utilisées pour identifier des cadavres à la morgue, identifient chacune d’elles.
Au fond de la salle, des bouteilles de verre, des plateaux de métal et des bouts de tissu trônent sur un meuble de bois massif au-dessus duquel se trouvent deux images de bouquets, dont les canevas sont décorés de points de suture.
«Les objets sur le meuble représentent les liens entre mon atelier et mon travail d’infirmier. Ils se font écho», décrit Yannick De Serre, contacté sur Instagram.
En effet, l’artiste multidisciplinaire, détenteur d’un baccalauréat en arts visuels et d’un autre en soins infirmiers de l’Université Laval, mène la double vie d’artiste et d’infirmier aux soins intensifs depuis 18 ans.
Lier rituel de deuil et art
Chacune des 17 enveloppes représente une année de décès des patients que l’infirmier a accompagnés depuis le début de sa carrière. «À chaque décès, j’achète un mouchoir brodé, explique M. De Serre. J’utilise ce dernier dans mon atelier et mes créations jusqu’au décès suivant. Puis j’emballe tous les mouchoirs à la fin de l’année.»
Chaque année, l’artiste a personnalisé ses ballots en les identifiant et en brodant le nombre de décès que ces derniers renferment. «?Ça devient aussi des artéfacts de mon travail d’atelier, car les mouchoirs portent les traces de mes différentes pratiques au fil des ans?» a-t-il précisé au micro du balado Sous la fibre le 25 octobre dernier.
Confronté régulièrement au deuil à cause de son travail en milieu hospitalier, l’infirmier accompagne ses patients et leurs familles dans les aléas de la maladie, et parfois du décès. Les mouchoirs sont une façon pour lui de «composer avec les petits traumatismes qui viennent avec le fait d’accompagner le deuil. Comme si le deuil de mon travail m’accompagnait dans mon travail d’atelier.»
Une exposition de «mi-carrière»
Avec le temps, M. De Serre a cru bon d’exposer sa collection. Ainsi est née Résilience et autres guérisons, une collection d’œuvres délicates dont le propos brutal incite à la contemplation et au recueillement.
Il considère que les expériences auxquelles le confronte son métier enrichissent sa pratique artistique. De façon générale, la présence et l’absence demeurent les inspirations premières de l’artiste.
M. De Serre commentera la visite de son exposition le samedi 19 novembre prochain à 14 h.