Reporter tout-terrain

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Par Aude.Garachon
mercredi 27 octobre 2010
Reporter tout-terrain
Crédit: Alexandra S. Arbour
Crédit: Alexandra S. Arbour

À 26 ans, Simon Coutu a déjà un parcours de journaliste et de globe-trotter peu commun. Il a roulé sa bosse en Afrique, au Pakistan, en Haïti… partout où ça barde.

«Des souvenirs marquants ? Ce sont des détails souvent, des galères, comme en Haïti. On était en moto-taxi avec mon pote photographe. J’avais l’impression que l’engin avait un moteur de machine à coudre rafistolé avec du fil de fer. Et il pleuvait, en plus.» C’était en 2007, Simon Coutu se rendait faire un reportage sur la violence endiguée à Citée Soleil par la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti. Des histoires d’aventures, Simon Coutu en a à revendre. Depuis quatre ans, le jeune journaliste parcourt le globe pour des reportages publiés dans La Presse ou L’actualité, ou encore des topos diffusés sur Radio- Canada.

Simon a la bougeotte depuis longtemps. Parti étudier le jazz à La Havane à 21 ans, il comprend que la vie de musicien n’est pas pour lui. Il s’inscrit au bac en journalisme à l’UQAM et devient chef de pupitre culture à Montréal Campus. Ça tombe bien, la musique, il connaît ça. À peine son diplôme terminé, il part à l’aventure pendant ses vacances : « J’ai toujours été fasciné par le conflit israélo-palestinien. Ça faisait longtemps que j’avais le goût de me rendre sur le terrain. Je me suis pointé en Israël en 2006. »

Là-bas, Simon se joint à un kibboutz, un village collectiviste inspiré des grandes idées socialistes. Mais la réalité est bien différente, le kibboutz est privatisé et Simon n’a pas envie de fabriquer des ampoules à la chaîne. Changement de programme : il écrit un article sur l’équipe palestinienne de soccer lors de la Coupe du monde de 2006. Au même moment, deux soldats israéliens sont enlevés dans le nord par le Hezbollah. Il est envoyé par La Presse interviewer le père de Gilad Shalit, un des soldats enlevés. Il parvient à avoir son numéro de téléphone, mais celui-ci refuse de le rencontrer. Ni une ni deux, Simon prend l’autobus, fait du pouce jusqu’à la frontière libanaise, et retrouve l’homme, qui accepte finalement l’entrevue. Un bon coup pour le jeune journaliste : «J’étais assez fier de moi.»

Haïti, Israël, Palestine, Kosovo, Kenya, Pakistan, Afrique du Sud… Simon essaie de partir au moins deux fois par an. Il prépare ses sujets avant le départ, se documente le plus possible, et vend ses idées aux divers médias. Le jeune pigiste prend aussi en charge le déplacement, le logement, les frais sur place, etc. Une dépense qui ne le gêne pas. «Je ne vais pas à l’étranger pour faire des sous, je fais ça par passion. C’est l’idée du journalisme que j’ai toujours eue. » Pas de protection ou d’assurances de la part des médias non plus, comme il l’explique : «Si je me fais enlever ou si je me fais arrêter, ce sont mes assurances privées qui doivent payer.»

Quant au choix de ses destinations, l’aventurier préfère les bidonvilles aux tout-inclus. Son but? Couvrir des pays oubliés en dehors des temps de crise. «Quand j’étais en Palestine, j’étais seul avec la correspondante francophone de Radio-Canada.» L’Europe occidentale ne l’attire pas non plus : « Je suis allé en Cappadoce [en Turquie] l’année dernière. C’est magnifique, mais les touristes me donnent de l’urticaire. Je n’aime pas avoir l’impression d’être à Disney World.»

Rebelle, oui, mais pas inconscient. Simon Coutu affirme qu’il ne prend pas de risque inutile: «Le Pakistan a été ma seule mauvaise expérience. » Arrivé à Karachi avec une amie en 2008, il se croyait pourtant bien préparé. Ils n’ont pas engagé de fixer (un entremetteur local), faute de moyens. Très vite, des journalistes les ont prévenus: deux blancs-becs à Karachi, qui posent des questions, c’est extrêmement dangereux. Puis, son hôtel est braqué. Simon décide alors de partir à Islamabad. Il arrive juste au moment de l’attentat suicide contre l’hôtel Marriott qui a fait 60 morts et de nombreux blessés. «Honnêtement, j’avais peur. Ça tourne dans ta tête, t’as de la difficulté à dormir, tu paranoïes, tu vois des signes partout. À un moment, ce n’est plus gérable.»

À Kibera, au Kenya, l’un des plus gros bidonvilles d’Afrique, c’est plutôt la misère qui l’a frappé : «On ne s’endurcit jamais. Mais moi, je vois de la vie là-dedans. À Kibera, il y a de la musique, du monde, des enfants, ça grouille de partout. En même temps les gens n’ont rien, c’est la dèche.»

Évidemment, le retour au pays est parfois difficile. Un ami de Simon appelle ça le « Syndrome du nouveau réfrigérateur». Voir la misère humaine, puis revenir au Québec pour apprendre qu’un membre de la famille a acheté un nouveau réfrigérateur. Cela peut s’avérer frustrant. Mais de là à se sentir inutile ? Oui et non : « T’y prends goût. Quand tu reviens, tu trouves ça plate. Quand t’es sur le terrain, tu découvres de nouvelles affaires, t’apprends plein de choses. Et tu prévois tout de suite le prochain voyage. Là, d’ailleurs, ça commence à me démanger.»

Le journaliste partira en novembre au Nunavik dans le cadre d’un reportage pour Radio-Canada, toutes dépenses payées pour la première fois : « C’est pas mal plus dépaysant que les Balkans comme destination. » Comme quoi l’aventure est partout, même dans notre arrière-cour.