Repérer les meilleurs chiens Mira

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Par Edouard Ampuy
mercredi 20 novembre 2019
Repérer les meilleurs chiens Mira
« Mira à trois races de chiens : le labrador, le labernois, et le saint-pierre", explique le chercheur postdoctorant à la Fondation Mira et à l’UDEM, Nicolas Dollion. Crédit photo : Thierry du Bois
« Mira à trois races de chiens : le labrador, le labernois, et le saint-pierre", explique le chercheur postdoctorant à la Fondation Mira et à l’UDEM, Nicolas Dollion. Crédit photo : Thierry du Bois
Une équipe de chercheurs s’applique à trouver des prédicteurs de personnalité chez les chiens guides et d’assistance de la fondation Mira. En analysant une base de données et des informations pouvant remonter jusqu’à 40 ans, elle vise à anticiper la personnalité du chien adulte, en se basant sur son comportement de chiot. Les résultats désignent la peur comme premier facteur à surveiller.

Le directeur général de la fondation Mira, Nicolas St-Pierre, explique la raison principale qui a motivé le lancement de l’étude il y a deux ans. « On s’est demandé si on serait capable de repérer les bons chiens plus rapidement, pour sauver du temps et de l’argent, explique-t-il. On est une fondation, donc on fait attention à nos finances. » Il chiffre l’investissement de la fondation pour l’entrainement d’un chien à 30 000 $ en moyenne.

M. St-Pierre précise que les chiens passent leur première année en famille d’accueil. Leur comportement est observé grâce à des questionnaires remplis par les bénévoles, puis lors du retour des chiens à la fondation, où ils passent des tests. Cette phase permet de déterminer si leur personnalité convient pour devenir un chien d’assistance ou de guide*. Le directeur indique qu’après les tests, un tiers des chiens sont déclassés [voir encadré] et les autres passent à la phase d’entrainement.

Pour leur étude, les chercheurs ont eu accès à la banque de données de la fondation Mira, composée de ces questionnaires et tests. Le post-doctorant en psychologie cognitive et éthologie à l’UdeM Nicolas Dollion relate que les informations collectées remontent jusqu’aux années 1980, et regroupent des données comportementales sur plus de 5 000 chiens. « C’est une mine d’or pour nous, décrit celui qui est également membre de l’équipe de recherche. Le mandat de base, c’était d’aller voir si on peut dresser des profils de personnalité de chiens, trouver des prédicteurs de personnalité à l’âge d’un an, grâce aux questionnaires en famille d’accueil, pour prédire le déclassement. »

Le facteur prédominant : la peur

Nicolas affirme que l’étude souligne que la peur est le comportement permettant de distinguer le plus clairement les chiens. « Dès six mois, ce trait de personnalité est un prédicteur fiable de déclassement, précise-t-il. Par exemple, le chien qui va avoir peur du trafic ou du tonnerre. » Le post-doctorant présente ce résultat comme nouveau pour la communauté scientifique, mais il ne l’est pas pour la fondation Mira.

M. St-Pierre assure qu’un chien trop dangereux ou trop actif ne se rend jamais en bout de parcours. « C’est sûr à 100 % qu’avec certains comportements, on ne prend aucune chance », soutient-il. Il donne en exemple l’agressivité ou la peur.

En revanche, si des chiens dévoilent certains tempéraments, mais présentent un potentiel ou une personnalité attachante, ils prendront part à l’entrainement. « Parce que les chiens, c’est notre matière première », avance M. St-Pierre. Le directeur concède que le seul risque est de perdre du temps à entraîner un chien qui sera ensuite écarté.

Il déclare que l’étude réalisée permettra à la fondation de déterminer comment identifier plus rapidement les bons comportements, mais aussi les chiens qui seront plus difficiles et donc incertains à l’entrainement.

Le post-doctorant annonce que grâce à l’étude, la fondation Mira a pu valider le travail orchestré en amont pour sélectionner les races de chiens les plus pertinentes pour le travail d’assistance ou de guide. « Mira à trois races de chiens : le labrador, le labernois, et le saint-pierre, détaille-t-il. Selon notre étude, ces trois races sont celles qui présentent le moins de problèmes à l’âge adulte. »

Des changements dans le processus

En identifiant la peur comme élément principal à surveiller, des changements seront apportés à l’étude des chiens au cours de leur première année. « Les changements ne sont pas encore enclenchés, mais c’est sûr que ça va amener plus de vigilance sur les questionnaires des familles d’accueil », relate Nicolas.

M. St-Pierre rappelle que l’année passée dans les familles d’accueil représente une forte variable. « Certaines n’ont jamais eu de chien, ne savent pas comment se comporter et apprennent pendant cette année, souligne-t-il. Pour nous, c’est correct, parce que si les familles se rendent compte que ce n’est pas fait pour elles, on reprend de toute façon le chien au bout d’un an. »

Si cette pratique a du sens pour lui, car elle donne l’occasion à des personnes d’avoir un chien sans la contrainte de devoir s’en occuper à vie, il reconnait qu’il existe également un travail à faire auprès de ces bénévoles. « Beaucoup de personnes ont tendance à couver le chien lorsqu’il a peur, illustre-t-il. Le chien n’y est donc plus exposé, ne la surmonte pas, et ça crée des comportements épouvantables. »

La désensibilisation

D’ici les cinq prochaines années, l’ambition du directeur général de Mira est de développer un centre de recherche sur le comportement des chiens. Nicolas parle également d’une zone d’éveil et de désensibilisation des chiots pour prévenir les comportements problématiques, en se basant sur des études d’éthologie**. « En exposant progressivement un chiot, par des systèmes de son ou des écrans, à des simulations de bruit de trafic, mais est-ce que ça va l’aider à supprimer ces peurs lorsqu’il atteint l’âge adulte ? », questionne le doctorant.

Pour M. St-Pierre, supprimer la peur parait être un vœu pieux, mais il perçoit des pistes de développement intéressantes. « Il y a des modèles qui m’intéressent, comme inclure plusieurs chiens adultes dans l’enclos où les chiots jouent, avance-t-il. Si les chiots entendent les bruit, et observent les chiens adultes rester calmes, ils suivront leur exemple. »

À la suite de ces deux années d’études, Nicolas ainsi que six coauteurs ont publié l’article : « Fear/Reactivity in working dogs: an analysis of 37 years of behavioural data from the Mira Foundation » (« Peur/réactivité chez les chiens d’utilité : une analyse de 37 années de données comportementales de la Fondation Mira »)

 

* Les chiens sont qualifiés de « chiens-guides » lorsqu’ils assistent des personnes souffrant d’un handicap visuel et de « chiens d’assistance » lorsqu’ils viennent en aide aux personnes polyhandicapées et aux enfants atteints d’un trouble du spectre de l’autisme.

**L’éthologie est l’étude scientifique du comportement des espèces animales, incluant l’humain, dans leur milieu naturel ou dans un environnement expérimental.

VULGARISATION SCIENTIFIQUE (3)