Culture

Regarder en série

La professeure au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’UdeM Marta Boni croit que le format des séries web a de nombreuses qualités pour plaire à son auditoire. « Les plaisirs offerts aux spectateurs sont le format, généralement court et disponible sur des supports mobiles, et la répétition typique de la sérialité, qui implique un retour du connu », dit-elle.

Pour l’étudiant au baccalauréat en sciences de la communication Florian Lautissier, ce produit audiovisuel a l’avantage d’être facilement consultable. « Les séries web que je regarde le plus durent en moyenne de trois à quatre mi­nutes et sont souvent humoristiques, comme le Palmashow [NDLR : websérie française], dit-il. Cela me permet de passer le temps, de me désennuyer. Aujourd’hui, les nouvelles technologies permettent de choisir le moment et le lieu pour visionner un épisode, ou même plusieurs. »

Le visionnement en rafales n’est toutefois pas un phénomène récent, selon Mme Boni. « Il était déjà pratiqué dans les années 1990 avec les marathons. [NDLR : visionnement consécutif de films, séries télévisées aussi connues sous le nom de Binge Watching, etc.],rappelle-t-elle. Des séries comme House of Cards [NDLR : série web américaine] ont contribué à remettre ce phénomène à l’ordre du jour. »

Visibilité et liberté créative

Avec ses contraintes réduites, le format des séries web offre aux étudiants un terrain fertile pour cultiver leur créativité. « Produire des séries web peut représenter pour les étudiants une manière de se garantir une visibilité à des coûts réduits, explique la professeure. Le pu­blic est potentiellement international. »

Ce format est particulièrement intéressant pour l’étudiant au baccalauréat en histoire de l’art et études cinématographiques Mathieu Pedneault, parce qu’il peut être autoproduit. « Quelqu’un peut produire lui-même sa série web, devenir très populaire et vivre de cette émission-là, explique-t-il. Quelqu’un qui a un bon concept et qui choisi de s’investir a toutes les chances de réussir alors qu’avant, il y avait un tri, une sélection. Des gens décidaient ce qui se vendrait et ce qui ne se vendrait pas. » L’étudiant envisage d’ailleurs de produire sa propre série web avec des collègues cet été.

Selon Mathieu, les coûts réduits du format représentent aussi un attrait majeur. « Au cinéma, actuellement, tourner un long métrage coûte extrêmement cher, dit-il. Pour obtenir les financements, ça prend la puissance financière des institutions, mais le financement vient avec un contrôle artistique qui tronque les idées originales des œuvres et porte à l’écran du contenu formaté. »

Le web permet donc une indépendance qui serait autrement impossible. « Sur internet, il n’y a pas de frontières, il y a une liberté de format et de contenu, tu peux tourner quelque chose de plus cinématographique ou même un documentaire , explique Mathieu. On peut aussi produire du contenu de moins bonne qualité, tandis qu’au cinéma et à la télévision, il y a des standards de diffusion à respecter. »

On n’assiste pas à une séparation de la télévision et du web, affirme Mme Boni. « Regarder sur ordinateur ne signifie pas renoncer à des programmes qui sont à l’origine pensés pour la télévision, croit-elle. Au contraire, on assiste à une migration des contenus et à une transformation des habitudes de consommation par le biais de pratiques légales ou moins légales. »

Étudier le format

Au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques, les séries web ne se sont pas encore établies une place de choix. « Dans le programme de cinéma à l’UdeM on apprend, si on veut, à la vieille manière, soutient Mathieu. Par exemple, on tourne encore sur de la pellicule alors qu’il existe des caméras numériques très performantes. C’est le seul programme de production audiovisuelle à l’UdeM, et les séries web ne sont pas explorées actuellement. » Bien que le format commence à être discuté dans les cours théoriques, les cours pratiques n’en sont pas encore à cette étape.

« Les études télévisuelles entrent lentement mais sûrement dans le milieu universitaire depuis ce début de siècle, mais beaucoup de travail reste à faire, raconte Mme Boni. Toutefois, je peux dire — avec grand bonheur — que mes étudiants manifestent un très grand intérêt pour l’étude théorique et historique des formats sériels et des implications du numérique et des réseaux d’internet. » Mme Boni semble toutefois optimiste quant à l’ouverture de l’UdeM face à ces nouveaux formats.

 

 

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