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Recyclage des masques usagés : où en est l’UdeM ?

En raison du port du masque de procédure obligatoire et du retour progressif des étudiants sur les campus, la question du recyclage des masques se pose. L’UdeM, qui délègue la tâche à l’entreprise MedSup, s’assurera que la compagnie « fait bien les choses », selon la porte-parole de l’Université, Geneviève O’Meara. Les associations écologistes émettent toutefois des réserves. 

 La problématique du traitement de ces nouveaux déchets générés par la pandémie divise. Les différents acteurs gouvernementaux, communautaires et privés ne parviennent pas à un consensus quant à la manière la plus écologique pour traiter ces déchets. À l’échelle de l’UdeM, où l’augmentation progressive de la fréquentation des campus devrait s’accompagner d’une hausse des masques usagers, les mêmes questions sont soulevées.

Un système de recyclage déjà en place

Dans un communiqué publié le 3 février dernier, l’UdeM assure être consciente de l’enjeu environnemental que représente la gestion des masques usagés. Si l’Université précise qu’une solution durable à cette problématique n’existe pas au moment de sa publication, la situation a depuis évolué. Elle semble avoir trouvé le moyen de surmonter l’obstacle principal du recyclage des masques grâce aux composants qui les constituent.

L’UdeM a en effet choisi l’entreprise MedSup, une compagnie québécoise de production et de distribution de matériel médical, pour recycler les masques. Le directeur du projet de recyclage Go Zero de l’entreprise, Pierre Alarie, assure que le programme de recyclage est déjà mis en œuvre. MedSup, grâce à celui-ci, vend à l’UdeM les boîtes de récupération de masques usagés qui se trouvent sur le campus. Leur contenu sera ensuite envoyé dans l’usine de l’entreprise à Magog, où les masques y seront décontaminés puis désassemblés afin d’isoler leurs différents composants.

 

Une personne jette son masque usagé dans une boîte de récupération à l’entrée du pavillon Jean-Brillant. Crédit : Martin Ducassé-Gambier

 

La partie principale du masque, le tissu en polypropylène qui retient les postillons, sera acheminée jusqu’à une entreprise partenaire, Exxel Polymers, qui les recyclera. « Les masques passent dans une machine pour les transformer en petites billes de plastiques, explique M. Alarie. Ces billes sont utilisées dans l’industrie pour produire toute sorte d’objets comme des chaises ou des tables. » La barrette nasale sera quant à elle isolée et envoyée à une autre entreprise partenaire, Sinobec Aluminium Recycling, à Montréal.

Selon la porte-parole de l’UdeM, Geneviève O’Meara, seuls les élastiques, qui représentent environ 10 % du masque, ne disposent pas à ce jour d’une solution de traitement durable. Ils seront donc entreposés en attendant qu’un procédé de recyclage soit développé.

Aucune garantie

Le directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED), Karel Ménard, émet des réserves quant à cette méthode mise en place par l’UdeM pour répondre à la problématique de la revalorisation des masques usagés. « Je trouve ça dommage que certaines commissions scolaires et des universités se laissent séduire par des promesses de recyclage des masques, déplore-t-il. C’est complètement irresponsable, car ces compagnies n’ont pas d’obligation de résultat. »

 

Des masques jetés dans une poubelle de déchets à l’UdeM. Crédit : Martin Ducassé-Gambier

 

À l’heure actuelle, aucun moyen de s’assurer du processus promis par les entreprises de récupération n’existe, insiste M. Ménard, qui appelle à la prudence. Le Front encourage aujourd’hui les entreprises et les établissements comme l’UdeM à se débarrasser des masques usagés grâce à l’enfouissement. « Le recyclage ne repose aujourd’hui que sur la prétention des entreprises à pouvoir le faire, affirme-t-il. Les solutions actuelles sont l’enfouissement des masques ou leur incinération aux États-Unis. Celle-ci est extrêmement néfaste pour l’environnement. »

Face aux doutes du FCQGÉD, M. Alarie assure ne rien avoir à cacher. « Les boîtes de collecte sont enregistrées une fois arrivées dans notre usine, déclare-t-il. C’est sûr qu’une fois qu’elles sont ouvertes, nous ne pouvons pas faire un suivi de chaque masque, cela prendrait trop de temps et ce serait trop couteux. Si certains ont des doutes, ils peuvent venir faire une vérification. Nous sommes un groupe d’entreprises ouvert. Si quelqu’un a une meilleure solution de traçabilité, alors nous l’adopterons. » Le directeur de Go Zero évoque aussi la possibilité de faire certifier le procédé par des chercheurs de différentes universités.

Des évaluations à venir

Afin de s’assurer du respect des engagements de MedSup, Mme O’Meara précise qu’une équipe de l’UdeM a prévu d’organiser une visite des installations de l’entreprise au cours du mois de mars. Si l’Université est convaincue par les procédés de recyclage de celle-ci, le mandat de récupération de MedSup pourrait s’étendre à l’ensemble des équipements de protection individuelle (ÉPI), tels que les gants utilisés dans les laboratoires et les cliniques de l’Université.

La société d’État Recyc-Québec, responsable de penser la récupération et le recyclage des déchets au Québec, n’est pas en mesure de donner aux établissements comme l’UdeM une solution durable pour traiter les masques usagés. Elle se contente de présenter les différentes options qui s’offrent à eux, à l’image de MedSup. Selon la directrice de communication de la société, Brigitte Geoffroy, il est encore trop tôt pour hiérarchiser les différents types de traitement des masques usagés. « Nous considérons la possibilité de faire une analyse de cycle de vie, explique-t-elle. Cela nous permettrait d’évaluer la valorisation et le recyclage de différents procédés,mais ça prend trois à quatre mois. Dans tous les cas, nous n’évaluons pas les entreprises, seulement les procédés. C’est aux universités de demander des garanties aux entreprises de récupération. »

 

Les mesures sanitaires sont rappelées à l’entrée du pavillon Jean-Brillant. Crédit : Martin Ducassé-Gambier

 

Prise de court

La présidente du regroupement d’étudiants écologistes Éco-Leaders de l’UdeM, Florence Turcotte, partage la préoccupation du FCQGÉD et considère que l’Université doit s’assurer que MedSup remplit bien son rôle. Le regroupement n’a pas été consulté par l’UdeM pour décider du devenir des masques usagés. « L’Université a sûrement été prise de court par la récente décision des autorités sanitaires de favoriser le masque de procédure par rapport au couvre-visage réutilisable, estime-t-elle. Nous n’avons pas été consultés, mais je pense qu’il y a une volonté de l’UdeM de faire participer les associations écologistes. D’ailleurs, nous devrions prochainement participer à une consultation pour discuter de différents enjeux environnementaux sur le campus. » En attendant, les membres d’Éco-Leaders vont profiter d’une réunion prévue prochainement avec la FAÉCUM pour faire entendre leur voix sur cet enjeu. 

Pour sa part, M. Ménard reconnait que le contexte de pandémie complique la situation, mais il pense que l’Université aurait dû trouver, en amont, un moyen de conjuguer environnement et santé publique.

 

Encadré : Le Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGÉD) est un organisme qui accompagne le gouvernement du Québec dans l’adoption de lois pour une gestion plus écologique des déchets. Il agit également à l’échelle des organismes ou individuelle afin de les accompagner dans un traitement des déchets plus vert.

 

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