« Ils vont manquer l’accident », signale le réalisateur Rafaël Ouellet alors que quelques retardataires s’introduisent dans le Centre d’essai de l’UdeM, où commence la projection de son film Camion. Le cinéaste était de passage pour discuter de son plus récent long métrage le 16 octobre dernier, dans le cadre des soirées Ciné-Campus.
Le film s’ouvre sur une scène percutante, qui présente en plan fixe un accident dans lequel est impliqué Germain, un camionneur à l’aube de la retraite. La femme qui entre en collision avec lui meurt sur le coup. Marqué par l’évènement, Germain recevra la visite de ses deux fils, inquiets de son état dépressif. La table est mise pour que ces trois hommes solitaires renouent dans la grisaille de l’hiver naissant. Une histoire touchante sur les relations familiales à la fois douces et amères, empreintes de tendresse.
Le réalisateur de Camion semblait content de présenter son film sur le campus de l’UdeM. «On fait plusieurs évènements comme ça. Quand on m’invite, je viens », indique-t-il. Il apprécie les échanges avec le public, même si ceux-ci n’apportent pas toujours des points de vue nouveaux sur le film. «En même temps, mon film n’aborde pas de grandes thématiques. C’est pas mal what you see is what you get », estime-t-il. À l’opposé de son film, il cite Monsieur Lazar, du réalisateur Philippe Falardeau, qui traite des thèmes de l’immigration, de l’enseignement et du suicide, propices aux discussions et aux débats.
Sortir du phénomène Xavier Dolan
Cinéaste autodidacte, Rafaël Ouellet a étudié dans le domaine des communications et travaillé en télé vision avant d’arriver au cinéma. Il conseille aux cinéastes débutants de se faire les dents plutôt que d’attendre une reconnaissance immédiate. «Il faut sortir du phénomène Xavier Dolan et d’espérer faire un long métrage à 22 ou 23 ans. Un talent comme ça, il y en a un parmi des milliers. Ce n’est pas tout le monde qui peut arriver à ça. J’en vois des jeunes qui sortent de l’école et, dès qu’ils ont un budget, ils veulent engager des professionnels. Le gars, s’il est professionnel, il va faire les choses à ta place, et t’apprendras pas », soutient celui qui est d’abord passé par le court métrage – dont certains, selon ses dires, «ne sont pas montrables » – et qui a travaillé sur des longs métrages avec différents réalisateurs.
« Quand j ’ai travaillé avec Denis Côté sur Les états nordiques, je me suis dit que c’était comme travailler sur un court métrage, sans budget, à quêter des faveurs, mais en tournant sur 20 jours au lieu de deux », raconte Rafaël Ouellet. Cette proximité avec le documentaire plaît au cinéaste. Au départ, l’idée derrière Camion était de réaliser un documentaire sur les derniers moments de travail de son père camionneur, puis le projet s’est transformé pour devenir une fiction.
En salle depuis le mois d’août, Camion a été présenté dans plusieurs festivals au cours des derniers mois et a récolté les honneurs à Karlovy Vary, en République tchèque. « Les critiques sont bonnes et ça va bien au box-office», affirme Rafaël Ouellet.
Pour son prochain long métrage, le réalisateur demeurera dans un univers masculin. «Ça va porter sur une famille de braconniers. La chasse, ce n’est pas un sujet qui a beaucoup été exploré au cinéma», observe celui qui espère tourner à l’été 2014. Ce n’est pas encore bon, mais ça va le devenir.»