Qui sont les trolls du web ?

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Par Romeo Mocafico
jeudi 15 novembre 2018
Qui sont les trolls du web ?
Le semaine de prévention dure du 13 au 17 novembre (Crédit iAmMrRob via Pixabay).
Le semaine de prévention dure du 13 au 17 novembre (Crédit iAmMrRob via Pixabay).
Ciné-Campus a présenté mardi dernier le documentaire Troller les trolls. Proposée dans le cadre de la semaine de prévention du cyberharcèlement, la projection a réuni l’équipe du film et le Bureau d’intervention en matière de harcèlement de l’UdeM (BIMH) pour tenter de décrypter ce phénomène en expansion.

Troller les trolls s’intéresse aux comportements outranciers des internautes et aux messages diffusés en ligne, qui questionnent les limites de la liberté d’expression. Le conseiller au BIMH Alain Vienneau a appuyé la diffusion du documentaire lors de cette semaine de prévention, car il estime que celui-ci peut aider à nourrir la réflexion liée aux phénomènes de cyberharcèlement, notamment dans le cadre universitaire.

Trollées

Pour expliquer l’origine de son projet, le réalisateur Hugo Latulippe avance que tous les citoyens ont désormais une vie en ligne. « Rien n’avait vraiment encore été fait pour démystifier et comprendre cette nouvelle réalité, indique le cinéaste, ce que ça crée et ce que ça provoque dans la société. »

En prenant comme point de départ des menaces reçues par l’animatrice et enquêtrice du documentaire, Pénélope McQuade, il s’est aperçu dans ses recherches que certaines parties de la population sont plus fréquemment victimes de harcèlement en ligne que d’autres. « On s’est vite rendu compte que ce sont surtout les femmes, les gens issus de l’immigration et les personnalités publiques ou politiques qui sont les plus concernés, détaille-t-il. On a donc décidé d’axer nos recherches sur ces trois terrains-là. »

Invitée à prendre part aux discussions, la consultante en communications numériques et médias sociaux Nellie Brière appuie ce constat. « C’est toujours pire quand on est une personnalité publique, précise-t-elle. Quand on a une portée publique, on a forcément son lot d’attaques. C’est un phénomène social. »

Dialogues déconnectés

Pour elle, les internautes réagissent souvent sous le coup de l’émotion. « C’est comme si les gens, parfois, ne réalisaient pas qu’ils s’adressent à un autre être humain, que ce qu’ils écrivent peut être lu et risque de toucher », explique-t-elle. Les médias sociaux sont, d’après elle, marqués par cette déconnexion. « Il y a une perception erronée sur Internet, qui fait penser que l’on n’est pas dans un état de dialogue. », poursuit Mme Brière.

M. Latulippe indique qu’il n’est jamais parvenu à s’entendre avec un « troll » ou à le raisonner en s’adressant à lui sur les plateformes digitales. Pourtant, il note que la discussion n’est pas impossible pour autant. « En revanche, j’ai remarqué que lorsque l’on rencontre les gens pour de vrai, on dégonfle facilement cette espèce de blocage là, cette incapacité à admettre ses torts, observe-t-il. En personne, c’est quelque chose qui se désamorce rapidement, on comprend mieux les nuances de ce que les gens disent. »

Nellie Brière rejoint le réalisateur sur ce point. « Dans la réalité, la discussion a un impact, confirme la consultante. Sur Internet, on a un contexte de spectacle. On ne parle pas uniquement à la personne à laquelle on s’adresse, mais on parle aussi à tous les autres internautes susceptibles de lire ce qu’on écrit. »

Pour elle, le phénomène des trolls est directement lié à la question de la liberté d’expression et au décalage que l’on peut observer entre le quotidien et la vie en ligne. « Tous les codes de conduite appliqués en société n’ont pas encore été traduits dans le monde numérique, concède-t-elle. Mais ces codes s’installent de plus en plus et sont poussés par des actualités ponctuelles, comme dans le cas de Dalila Awada*. »

Mme Brière reste donc optimiste quant à l’avenir des interactions numériques. « Ces apprentissages-là vont nous amener vers des façons de faire plus acceptables, ajoute-t-elle. Il faut surtout que l’on définisse les responsabilités de chacun. »

Semaine de prévention

Le harcèlement est une réalité à laquelle tout le monde peut être confronté, affirme M. Vienneau. C’est dans le but d’informer les étudiants, les professeurs et le reste de la communauté universitaire que le BIMH organise, du 13 au 17 novembre, la semaine de prévention du cyberharcèlement. Des kiosques de sensibilisation sont tenus à cet effet dans différents lieux du campus**.

 

* Le choix du Journal de Montréal, le 3 janvier dernier, de nommer l’activiste Dalila Awada parmi ses « 31 femmes québécoises inspirantes à surveiller en 2018 » avait suscité de nombreuses réactions sur Internet.

** Jeudi 15 novembre, de 9 h 30 à 12 h 30, à l’entrée du pavillon André-Aisenstadt.

Vendredi 16 novembre, de 9 h 30 à 12 h 30, au 3e étage des escaliers principaux du CEPSUM.