Fondateur de Télé-Métropole, l’ancêtre de TVA, Joseph-Alexandre DeSève dirige pendant plus de trente ans le premier empire audiovisuel québécois. Il oeuvre aussi comme censeur lors de la Grande noirceur sous Maurice Duplessis. Découvrez l’homme qui a donné son nom au Centre étudiant de l’UdeM ainsi qu’à un pavillon de l’UQAM et de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont.
Homme d’affaires montréalais, Joseph- Alexandre DeSève se lance au début des années 1930 dans la distribution cinématographique.
Déjà bien établi dans le domaine de l’immobilier, il voit dans la popularité grandissante du cinéma parlant une occasion de générer de nouveaux profits.
En 1933 et 1934, il acquiert tour à tour le Théâtre Saint- Denis et France-Film, le plus important distributeur de films francophones au Canada.
En 1939, J.-A. DeSève se tourne alors vers les activités de production.
L’essentiel du cinéma francophone provient alors d’Europe, et la Deuxième Guerre mondiale ralentit l’approvisionnement en oeuvres françaises.
Sous la bannière Renaissance Films Distribution (RFD), il parvient à regrouper toutes les boîtes de production francophones de l’époque, dont l’Alliance cinématographique canadienne et Renaissance Films.
C’est à la tête de ce trust qu’il produit les classiques La petite Aurore l’enfant martyre, Ti-Coq et Le gros Bill.
Au tournant des années 1950, J.-A. DeSève distribue, finance et contrôle tout le cinéma francophone au Québec.
Parallèlement à ses réussites commerciales et aux efforts de convergence, il agit de 1938 à 1951 comme un des principaux apôtres de la censure.
La RFD se fixe comme objectif la production de films québécois imprégnés de la morale catholique.
Entouré de curés et d’autres agents de la vertu, J.-A. DeSève évalue la moralité des oeuvres qu’on lui présente.
Ensuite, selon les recommandations mises de l’avant par le Bureau de la censure officiel du gouvernement, son comité trafique les films jugés «troubles», «sensuels» ou «immoraux », allant jusqu’à refaire le montage ou à tourner de nouvelles scènes.
Pour un censeur faisant la promotion de la morale, J.-A. DeSève est contradictoire dans ses actes.
Qu’importe qu’on lui connaisse plusieurs maîtresses et un tempérament abusif envers ses employés, comme le rapportent ses proches, tout ce qui compte pour lui c’est la «satisfaction de créer et de contrôler».
Ce désir de succès l’entraîne à se réorienter vers la télévision au milieu des années 1950.
L’apparition du nouveau médium menace le cinéma, et J.-A. DeSève compte en tirer profit plutôt qu’en souffrir.
Sa plus grande réalisation est de fonder, en février 1961, la deuxième chaîne francophone au pays, Télé-Métropole, aujourd’hui TVA.
En cumulant les réalisations majeures dans un secteur largement dominé par les anglophones, il incarne l’idéal du self-mademan.
À sa mort en 1968, tous ses actifs sont liquidés au profit de la fondation qui porte son nom et qui finance maintenant différents établissements culturels, scolaires et scientifiques.
J.-A. DeSève lègue tout à l’avancement social.
À ses proches, très peu. Après tout, s’ils retirent quelque chose de son existence, ils deviendront artisans de leur propre réussite.