Quelle direction ?

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Par Katy Larouche
mercredi 8 avril 2015
Quelle direction ?
Durant le congrès qui se déroulait les 4 et 5 avril derniers, l’ancienne porte-parole, Camille Godbout, avait été destituée avec le reste de l’exécutif. Crédit photo: Isabelle Bergeron
Durant le congrès qui se déroulait les 4 et 5 avril derniers, l’ancienne porte-parole, Camille Godbout, avait été destituée avec le reste de l’exécutif. Crédit photo: Isabelle Bergeron
Lors du congrès tenu les 4 et 5 avril derniers à Salaberry-de-Valleyfield, l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) s’est départie de l’ensemble de son comité exécutif qui proposait un repli stratégique au mouvement étudiant. Les nouvelles orientations sont claires : poursuivre la grève maintenant, sans attendre les syndicats qui pourraient débrayer plutôt à l’automne.
« C’est normal, il y a toujours des dissensions à l’interne, même dans les mouvements syndicaux, mais devant le public il vaut mieux projeter une image unie, prouvant que l’on est en parfait contrôle de la situation. »
Mélanie Dufour-Poirier, Professeure adjointe à l’École de relations industrielles de l’UdeM

«C’est sain pour l’ASSÉ d’avoir des membres qui proposent des idées diversifiées, cela permet de discuter et de prendre ensemble une décision », déclarait à Quartier Libre la membre active du comité Printemps 2015 et membre de l’ASSÉ Fannie Poirier, en marge de la manifestation du 2 avril.

La situation se serait toutefois présentée autrement à l’ouverture du congrès, samedi dernier. D’emblée, les membres du conseil exécutif (CE) auraient déclaré leur volonté de démissionner et de se retirer du débat. Les représentants des associations membres ont alors pris la décision de les destituer de façon symbolique.

« Ce n’est pas le contenu du message sur le report de la grève qui a agacé, mais plutôt la façon de procéder et le moment choisi »*, a expliqué la porte-parole intérimaire de l’ASSÉ, Hind Fazazi, en conférence de presse. Au congrès, les participants ont adopté une motion de blâme à l’endroit du CE, jugeant l’envoi d’une lettre de réflexion aux membres à un si court intervalle du Congrès tout à fait inapproprié.

« Il faut savoir ralentir au bon moment pour mieux repartir plus tard », concluait l’exécutif de l’ASSÉ dans ce texte préparatoire à son congrès des 4 et 5 avril à Salaberry-de-Valleyfield. Malgré l’échéance des conventions collectives en avril, les syndicats doivent observer 90 jours de négociation avant de pouvoir légalement entrer en grève.

Entre syndicats et étudiants : un malaise

La professeure adjointe à l’École de relations industrielles de l’UdeM Mélanie Dufour-Poirier est d’avis qu’à la suite de la mobilisation record de 2012, les attentes sont élevées envers les étudiants cette année. « C’est normal, il y a toujours des dissensions à l’interne, même dans les mouvements syndicaux, mais devant le public il vaut mieux projeter une image unie, prouvant que l’on est en parfait contrôle de la situation, estime-elle. Peut-être que le message mis de l’avant actuellement n’est pas assez puissant et rassembleur pour soulever les foules et pour que les membres et les alliés mette de côté leurs divergences afin de faire front commun. »

S’associer aux syndicats ne semble effectivement pas faire l’unanimité dans le mouvement étudiant et les membres n’ont jusqu’à maintenant pas hésité à rendre publiques leurs positions. « Cette confiance aveugle envers la mobilisation syndicale rend perplexe […] Va-t-on remettre entre les mains de dirigeants syndicaux notre destinée politique ? » écrit le comité Printemps 2015 dans un communiqué, en réponse à la lettre de l’ASSÉ.

De son côté, la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), qui était l’un des trois piliers de la grève de 2012, se dissocie du présent mouvement de contestation . « La FEUQ considère que la grève est un moyen de pression ultime, et non un objectif et qu’elle doit être utilisée en dernier recours, précise le porte-parole de la Fédération, Jonathan Bouchard. Il y a une mobilisation à construire autour d’enjeux précis et clairs, et beaucoup d’étapes restent à franchir avant de se lancer dans une grève : informer, sensibiliser, faire de la mobilisation régionale, rencontrer et discuter avec le gouvernement, etc. » La FEUQ estime qu’il est encore trop tôt pour entamer un tel processus. Jonathan Bouchard n’exclut pas que la Fédération se joigne au mouvement à l’automne, mais la présence des syndicats ne sera pas un élément déterminant dans la décision de débrayer, selon lui.

La Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) n’envisage pas pour l’instant de s’allier officiellement avec les étudiants. « On a pas à s’ingérer dans la décision que le mouvement étudiant va prendre, précise le secrétaire général de la FTQ, Serge Cadieux. De notre côté, si le gouvernement ne bouge pas, on est en train de préparer notre mouvement de contestation pour l’automne et tant mieux si les associations étudiantes se joignent à nous à ce moment-là. »

Poursuivre le mouvement

La décision de poursuivre le mouvement maintenant n’exclut pas une remobilisation à l’automne. « On ne reporte pas un mouvement en branle, juge Fannie Poirier. Les manifestations sont nombreuses et populeuses, il y a une grogne populaire qui se fait entendre. Être dans la rue au printemps, ce n’est que de bonne augure pour l’automne. » Entre-temps, ce sont les associations étudiantes sur les campus qui choisiront la direction que prendra le mouvement en renouvelant ou non leur mandat de grève.

« Les prochains jours seront critiques, le nouveau conseil exécutif de l’ASSÉ devra passer le test d’efficacité et prouver qu’il est en mesure de reprendre les rênes, qu’il est connecté avec sa base militante et qu’il pourra éclairer le mouvement », jugeMme Dufour-Poirier. Le conseil exécutif intérimaire de l’ASSÉ sera élu le 9 avril et siègera jusqu’à la tenue du congrès d’orientation de l’ASSÉ des 25 et 26 avril 2015.

* ICI Radio-Canada