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Le nombre d'inscriptions d'étudiant·e·s en provenance de l'extérieur du Québec a diminué à l'Université McGill et à l'Université Concordia depuis la hausse des frais de scolarité. Photo

Quel statut pour les étudiant·e·s étranger·ère·s de demain?

Le nombre d’étudiant·e·s étranger·ère·s accepté·e·s sera plafonné à 360 000, soit 35 % de moins qu’en 2023, selon un article de Radio-Canada publié en janvier dernier. Ce total sera pondéré en fonction de la population de chaque province. Les provinces devront ensuite répartir les quotas imposés parmi tous leurs établissements scolaires.

« Le Québec n’est pas une province touchée par la nouvelle politique annoncée par le ministre Miller », indique la porte-parole et conseillère principale de l’UdeM, Geneviève O’Meara. Elle ajoute toutefois que l’Université devra s’assurer de « bien informer les étudiants qui s’intéressent à l’UdeM » pour les inciter à poursuivre leurs démarches de demande d’admission.

Au Québec, le dispositif de délivrance de lettres d’attestation pour chaque demande de permis d’étude, similaire à celui qui sera demandé par le gouvernement fédéral à chaque province à partir du 31 mars prochain, existe déjà. Mme O’Meara estime tout de même que l’annonce de ces mesures pourrait décourager les étudiant·e·s étranger·ères dans leur processus d’inscription.

Entre crise du logement et pénurie de main-d’oeuvre

Au cours d’une conférence de presse organisée le 2 février dernier, M. Miller a rappelé aux provinces que le sous-financement des universités et les frais de scolarité relevaient de leur ressort. Aux dires du gouvernement fédéral, certaines provinces refuseraient ainsi de serrer la vis quant au nombre d’étudiant·e·s étranger·ère·s qu’elles accueillent, malgré la saturation de leur parc de logements.

Le gouvernement fédéral a d’ailleurs annoncé qu’il était prêt à faire preuve de souplesse envers les provinces qui prouveront que leurs étudiant·e·s internationaux·ales se professionnalisent rapidement à la sortie de l’université. Selon M. Miller, « ça revient à la question essentielle de faire correspondre l’offre et la demande ».

Les étudiant·e·s étranger·ère·s contribuent effectivement de manière significative au marché de l’emploi canadien. Selon un communiqué de l’ancien ministre de la Diversification du commerce international, James Gordon Carr, « en 2018, les étudiants étrangers au Canada ont contribué à hauteur d’environ 21,6 milliards de dollars au PIB du Canada et soutenu près de 170 000 emplois pour la classe moyenne canadienne. »

En outre, un récent sondage ministériel aurait révélé que plus de 80 % des étudiant·e·s provenant de l’extérieur du Canada travaillent plus de 20 heures par semaine, ce qui contrevient au règlement que leur impose leur permis d’études. Selon M. Miller, les demandes déraisonnables de certains employeurs et le coût exorbitant des frais de scolarité sont à blâmer pour ces dépassements excessifs.

L’image du Québec

« Je trouve ça dommage [pour l’image du Québec], a déclaré le recteur de l’Université Concordia, Graham Carr, à l’émission Midi Info. Quand on parle aux étudiants d’ailleurs, ils ne sentent pas un grand accueil maintenant, suite à tout ce qui a été annoncé en 2023. » Il a d’ailleurs ajouté que, selon lui, « tout le monde avait du travail à faire pour rebâtir une bonne image du Québec à l’extérieur ».

Selon le Bureau de coopération interuniversitaire (BCI), le nombre d’étudiant·e·s étranger·ère·s inscrit·e·s dans les universités québécoises s’élevait à 58 049 à l’automne 2023, soit environ 4 000 de plus qu’en 2022. Parallèlement, le nombre d’étudiant·e·s né·e·s au Québec et inscrit·e·s dans une université québécoise est en baisse depuis 2014. De 272 103 en 2015, il est en effet passé à 257 375 en 2022 et à 255 540 en 2023.

En réaction aux nouvelles mesures gouvernementales, beaucoup ont souligné le rôle fondamental que jouent les étudiant·e·s étranger·ère·s dans la société québécoise d’aujourd’hui. Le recteur de l’UdeM, Daniel Jutras, a ainsi soutenu auprès de Radio-Canada que ces étudiant·e·s « contribuent à nos programmes, à la diversité des discours dans les cours, les labos, dans les équipes de recherche, et à la qualité de la formation des étudiants québécois. »

Au Québec, les étudiant·e·s étranger·ère·s payent des frais de scolarité quatre à cinq fois supérieurs à ceux des résident·e·s de la province. 

Bien que les mesures fédérales et provinciales risquent de décourager les étudiant·es étranger·ères de venir au Québec, « le portrait en ce moment est très positif pour l’UdeM », constate Mme O’Meara. « En date de jeudi dernier [8 février], si nous comparons avec le portrait de la même période l’an dernier, nous sommes en hausse de 29 % du nombre de candidats de l’extérieur du Canada au premier cycle, et de 27 % aux cycles supérieurs », poursuit-elle.

Hausse des tarifs

L’annonce du gouvernement fédéral survient quelques mois seulement après que le gouvernement du Québec a lui-même annoncé une hausse des tarifs pour les étudiant·e·s universitaires non-résident·e·s.

Cette augmentation des frais à l’échelle provinciale, qui entrera en vigueur à l’automne 2024, a été annoncée au cours d’une conférence de presse de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, et du ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, en octobre dernier. Elle a pour but de pallier les déséquilibres financiers entre les universités francophones et anglophones et de freiner le déclin du français au Québec, selon les ministres.

Comme le rapportait Radio-Canada, les frais de scolarité pour les étudiant·e·s non québécois·e·s passeront ainsi de près de 9 000 $ à 12 000 $. Pour les étudiant·e·s internationaux·ales, le montant minimal sera de 20 000 $. De plus, le ministère de l’Enseignement supérieur touchera un montant forfaitaire pour chaque étudiant·e non québécois·e admis·e dans l’une des universités de la province. Le premier ministre, François Legault, a d’ailleurs précisé qu’il comptait réinvestir ce montant dans les universités francophones.

Un article paru dans La Presse à la fin du mois de février a d’ailleurs révélé que deux de ces universités anglophones, McGill et Concordia, avaient entamé des démarches pour poursuivre en justice le gouvernement provincial en invoquant le caractère discriminatoire de cette nouvelle politique à l’égard de la minorité anglophone au Québec

En décembre 2023, Mme Déry avait annoncé la modification de sa politique de financement des universités. Dans un communiqué à l’intention des recteurs des universités McGill, Concordia et Bishop’s, elle annonçait alors que le financement des universités anglophones serait conditionnel à une évaluation des compétences en français à partir de l’année universitaire 2025-2026.

Cette hausse des frais de scolarité exigée par la Coalition avenir Québec (CAQ) répond à la mise en place de tarifs préférentiels pour les étudiant·e·s étranger·ère·s, instaurés par les gouvernements libéraux de Jean Charest et de Philippe Couillard.

Des données recueillies par Radio-Canada indiquent qu’entre 2019 et 2022, les droits de scolarité des étudiant·e·s étranger·ère·s ont permis aux universités québécoises d’empocher 407 millions de dollars de revenus additionnels, et les universités anglophones sont celles qui en ont le plus bénéficié, percevant en effet 70 % de ce montant, soit 282 millions de dollars.

Les résultats des nouvelles mesures se font déjà sentir dans les universités anglophones de la province. Selon un recensement publié le 6 février dernier par le Globe and Mail, le taux d’inscription des étudiant·e·s provenant de l’extérieur du Québec a chuté de 22 % à l’Université McGill et de 27 % à l’Université Concordia. 

Christine Gauthier, vice-présidente de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec, souligne aussi que les nouvelles mesures ne règlent pas le problème du sous-financement des universités. « Ce qui est dommage dans le choix qui a été fait par le gouvernement Legault, c’est qu’aucun argent neuf n’est versé dans les universités qui sont déjà sous financées », dit-elle. 

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