Volume 26

Que reste-t-il de nos luttes ?

Je suis donc parti des origines. Le mot vient du latin milita, qui se rapporte au soldat et à la guerre. Les premiers militants étaient guerriers, puis l’Église catholique a repris le terme pour désigner ses fidèles sur Terre.

Le sens a depuis largement changé. Selon le dictionnaire Larousse, c’est une personne qui agit pour sa cause. L’idée de base est noble. Ça dépend néanmoins de la cause. Désormais, l’armée et la religion n’ont plus grand-chose à voir avec le militantisme, quoique…

On l’a associé, à l’époque moderne, à la politique. Le militant n’est, à l’origine, pas rétribué pour ce qu’il fait. Il est bénévole. Mais les choses ont bien changé de ce point de vue-là aussi. Dans certains cas, on est plus proche d’un travail alimentaire que d’un sacerdoce.

Mais alors, est-ce encore du militantisme quand on accepte d’être rémunéré pour défendre des idées ? La professionnalisation de l’engagement politique a pris le pas sur l’engagement dénué de tout intérêt monétaire.

La place est prise

Comme l’explique le professeur de science politique à l’Université Paris 1 Daniel Gaxie (1), la profusion d’assistants et de conseillers qui entourent les politiciens a progressivement remplacé le rôle joué par les militants. Ces derniers, qui tractaient dans la rue pour convaincre leurs concitoyens, ont vite été remplacés par des bataillons de jeunes gens ambitieux prêts à gravir les échelons de la politique pour leur profit personnel.

De ce fait, le nombre de partisans a diminué au sein des partis et la politique est devenue un travail plus qu’une vocation. Comme si on enlevait l’essence même du mot et son côté idéaliste pour le remplacer par une réalité froide et pragmatique.

Car il faut bien le dire, dans notre monde contemporain, le militant est maintenant vu comme le défenseur des causes perdues, celui qui se bat contre les moulins à vent. Le terme a, semble-t-il, acquis un aspect péjoratif. On ne veut plus être désigné ainsi. Ça revient à être considéré comme celui qui ne gagnera jamais.

Militantisme 2.0

Que dire de l’influence des réseaux sociaux sur la façon dont le militantisme a évolué ? Il ne s’agit plus de convaincre par les mots, mais par les images. L’habit ne fait peut-être pas le moine, mais il aide à remporter des élections.

Alors faut-il encore des militants nourris à l’idéologie contestataire ou de bons communicants élevés à Instagram et à Facebook ?

La campagne s’est donc déplacée sur des plateformes artificielles où l’ancienne école n’a plus ses repères. La lutte d’influence sur les réseaux sociaux n’est en soi pas problématique si elle est faite dans les règles de l’art. Malheureusement ce n’est pas toujours le cas. L’émergence des fausses nouvelles (fake news en anglais) a changé la donne.

Un chercheur universitaire a dénombré quelques 7,5 millions de gazouillis renvoyant vers de fausses nouvelles durant la campagne présidentielle américaine de 20162. Il est peut-être là, le rôle des futurs militants: traquer les manipulateurs qui s’accaparent des réseaux sociaux pour tromper les électeurs.

Un rôle à jouer

Nous pouvons tous agir à notre échelle. Quand on aime une publication, qu’on la partage, qu’on la commente, qu’on aide à sa popularité, on agit pour une cause.

Avec ce dossier spécial, nous essayons de montrer les différentes facettes que peut prendre l’engagement social, du militantisme institutionnel à la conscientisation par le rire en passant par l’action judiciaire. Ces voies dessinent un portrait multiple et diversifié de notre société qui, je l’espère, vous permettra de répondre à cette question : sommes-nous tous engagés ?

1. Daniel Gaxie, Les rétributions du militantisme,
3 novembre 2017.
2. 7sur7.be, « L’UCL a compté le nombre de fake news sur Twitter lors de la campagne présidentielle américaine »,
2 février 2019.

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