« La musique contribue certainement à la lecture qu’on fait du spectacle », explique le compositeur Laurier Rajotte, qui a suivi une formation en interprétation musicale en piano à l’UdeM. Son travail consiste à produire une trame musicale qui tisse l’ambiance d’une pièce et accompagne les spectateurs dans les différentes transitions de celle-ci. Ce processus créatif s’apparente, selon lui, à celui de la composition de musique de film.
Dans le cadre de la musique de la pièce Becoming Chelsea, M. Rajotte a travaillé en collaboration avec le metteur en scène Éric Jean, avec qui il avait déjà fait équipe pour d’autres productions. « Éric me parle du projet, de ses intentions, de ce qu’il cherche à faire, des émotions qu’il veut venir rechercher, développe-t-il. À partir de là, je lui fais des propositions. » Le compositeur a apporté ses musiques aux répétitions, pour que tous les membres de l’équipe puissent contribuer aux discussions visant à préciser la direction que devaient prendre ses morceaux.
Incarner un personnage par sa musique
La pièce Becoming Chelsea, produite par la compagnie de théâtre Les 2 mondes, se joue au théâtre Prospero jusqu’au 14 mars. Cette œuvre de fiction met en scène Chelsea Manning, une ancienne analyste militaire trans de l’armée des États-Unis, célèbre pour avoir orchestré une fuite de données classifiées vers Wikileaks. Prenant comme prétexte le passage de la lanceuse d’alerte à une conférence lors de l’événement C2 Montréal en mai 2018, le texte, créé par Sébastien Harrisson, narre une rencontre fictive entre Chelsea et un agent de la GRC chargé de la surveiller, dans l’ascenseur d’un bâtiment montréalais.
« Chelsea Manning a une vie qu’on peut regarder sous plusieurs angles, mais il y a quelque chose de très dramatique dans son parcours, souligne M. Rajotte. Je pense qu’il faut en témoigner quand on fait de la musique. Il faut que la charge musicale réponde à celle du personnage. » Il a donc opté pour des compositions très rythmées et tendues.
Pour le développement de ce projet, le compositeur a aussi choisi d’utiliser une musique de type électronique, en raison des thèmes traités par la pièce. « Il y a un rapport à la technologie avec Chelsea, avec Internet et Wikileaks, détaille-t-il. On est vraiment dans l’immatériel. Ce rapport-là a influencé les premiers jets de musique. Je ne me voyais pas faire quelque chose de très orchestral pour ça. »
De la salle de spectacle à la baladodiffusion
En qualité de compositeur et de concepteur sonore, M. Rajotte explique aussi mener des études sur le rapport au théâtre et sur la tradition théâtrale québécoise. Il a ainsi lancé le balado Théâtre à l’écoute. « C’est le premier balado consacré à la diffusion de texte de théâtre au Québec », déclare-t-il.
Pour ce projet, il a enregistré des textes lus par des acteurs travaillant sur des productions théâtrales en cours, et il les diffuse une fois ces productions terminées. Il a, par exemple, enregistré des textes de Rachel Graton du Centre du théâtre d’aujourd’hui, de Rébecca Déraspe du théâtre Denise-Pelletier, et de Gabrielle Lessard d’Espace libre. « Avant une représentation, on fait un enchaînement au micro, explique M. Rajotte. Ça donne une qualité radio-théâtre. J’enregistre ça, je fais le montage et je le diffuse. Pour moi, c’est important de participer à la diffusion du théâtre. »
La démarche du compositeur dans ce projet vise une démocratisation de la culture québécoise. « C’est une façon de faire circuler notre culture, précise-t-il. Le théâtre au Québec a des salles, a des lieux, mais la beauté de la radio et du balado, c’est que ça s’écoute partout. S’il y a un ado quelque part ou des gens malades qui n’ont pas la possibilité de venir au théâtre à Montréal, qui ne peuvent pas se déplacer, le balado peut répondre à ça. »
Le balado Théâtre à l’écoute est disponible sur plusieurs plateformes comme BaladoQuébec ou Apple music.