«Un investissement régulier des gouvernements dans le “vivre-ensemble” permet de relever les défis de la prévention de possibles débordements, affirme la directrice de la chaire et organisatrice du colloque, Solange Lefebvre. Certains faits des derniers mois [NDLR : l’attentat au Centre culturel islamique de Québec le 29 janvier 2017] ont tristement rappelé que nous ne sommes pas à l’abri de violences racistes et de crimes haineux. » Elle souligne par ailleurs le déplacement de l’attention publique des accommodements reliés aux différences culturelles vers la radicalisation menant à la violence.
L’étudiante au doctorat en sciences des religions et coordonnatrice de la chaire Mathilde Vanasse-Pelletier, abonde dans le même sens. « Parmi les tendances actuelles, on note de plus en plus d’actes de violence, à grande échelle, constate-t-elle. Des gens se rallient derrière des idéologies extrémistes qui s’affrontent. » Selon elle, cela pousse les chercheurs à s’intéresser davantage aux processus de radicalisation.
« La gestion de la diversité culturelle et religieuse est maintenant un enjeu majeur, poursuit Mathilde. Le Québec essaie d’être une terre d’ouverture et cette approche fait émerger différents points de vue opposés. » Aux yeux de Mme Lefebvre, les divergences qui se manifestent dans les franges de la population attestent d’un débat social et sont le reflet de deux modèles opposés en matière de gestion de la diversité au Québec : l’un, républicain, dans lequel la Charte des valeurs s’inscrivait ; l’autre, libéral, davantage tourné vers le pluralisme.
Avancer ensemble
L’expérience universitaire a laissé un bon souvenir au représentant de l’association juive Chabad et ancien étudiant en économie à l’UdeM, Shlomo Banon. « Il y a à l’UdeM un esprit d’ouverture, raconte-t-il. Durant mes études déjà, j’avais des amis de partout. J’ai vécu de très bonnes expériences. »
Shlomo, dont la mère travaillait sur le campus, se rappelle le temps des Fêtes célébré à l’Université dans un esprit de partage. Il se souvient également de rencontres marquantes et constructives : par exemple, une longue discussion avec une étudiante iranienne qui n’avait jamais rencontré une personne de confession juive auparavant. « J’en ai encore des frissons tellement cette expérience fut riche et inoubliable, se remémore Shlomo. Plus on se parle, plus on se connaît. »
Les deux chercheurs associés à la chaire témoignent de l’importance du maintien du dialogue, du climat délibératif et de l’éducation à la diversité culturelle et religieuse. « La formation à l’esprit critique est essentielle au développement de l’autonomie individuelle ainsi qu’à la qualité de la délibération citoyenne, ajoute le doctorant en sciences des religions Jorge Karel. Une autre piste de solution se trouve dans la responsabilisation des leaders politiques. »
À l’Institut d’études religieuses, Mathilde dit apprécier l’environnement dans lequel elle évolue, où la diversité est une source d’enrichissement. « On focalise beaucoup sur le négatif qui entoure la question de la diversité, mais ce qui va bien, on en parle peu, confie-t-elle. Or, il y a de belles communautés qui vivent ensemble au quotidien », conclut l’étudiante.
Sur le campus de l’UdeM, on dénombre près de 10 000 étudiants internationaux, 8 000 résidents permanents** de même qu’une quinzaine d’associations étudiantes à vocation culturelle ou spirituelle. La gestion de la diversité culturelle et religieuse se pose dès lors comme un enjeu, mais avant tout, comme une réalité.
* Définition de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse : Moyen utilisé pour faire cesser une situation de discrimination fondée sur le handicap, la religion, l’âge ou tout autre motif interdit par la Charte des droits et libertés de la personne.
** Chiffres de l’UdeM